FranceProf tuée: l’élève était «en conflit avec un être malfaisant»
Jeudi, une minute de silence a été respectée pour rendre hommage à l’enseignante française poignardée par un élève, dont le profil commence à peine à se dessiner.

Des fleurs ont été déposées devant l’établissement de Saint-Jean-de-Luz, en France.
AFPUne minute de silence a été observée jeudi, dans des collèges et lycées en hommage à la professeure poignardée à mort la veille à Saint-Jean-de-Luz (France) par un lycéen. Le ministre de l’Éducation, Pap Ndiaye, qui était sur place mercredi, a rendu hommage à l’enseignante de 52 ans au collège Combe de Savoie d’Albertville (Savoie), où il était en déplacement.
«Elle s’appelait Agnès Lassalle, elle est morte hier, elle a été tuée d’un coup de couteau par un élève, dont on sait actuellement peu de choses. Aujourd’hui, c’est le temps du recueillement, de l’émotion et de la solidarité», a déclaré le ministre de l’Éducation, Pap Ndiaye, avant d’observer cette minute de silence aux côtés des élèves et enseignants du collège.
«Nos pensées vont vers elle, sa famille, ses élèves, ses collègues.» «Très dévouée», cette professeure d’espagnol «consacrait l’essentiel de son temps à préparer ses cours (…), à faire grandir ses élèves», a-t-il ajouté.
«C’est un traumatisme»
«Pour l’instant, nous avons encore à être un peu patients sur les circonstances de ce drame et sur ce qui a pu provoquer ce drame. Mais il est clair que c’est un traumatisme pour l’école et, d’une manière générale, pour la communauté éducative nationale», avait auparavant déclaré le ministre, lors d’un déplacement à la mi-journée à l’école Montchavin de La Plagne (Savoie).
«Je veux redire à quel point nous prêtons attention à la situation et nous en tirerons d’ailleurs les conclusions le moment venu», avait ajouté le ministre. À Bayonne, le procureur a prolongé la garde à vue du suspect de 16 ans, jeudi matin.
«Il faut donner de la force à ceux qui ont vu»
Jeudi, les élèves du collège-lycée ont repris le chemin de leur établissement avec des bouquets de fleurs ou des roses blanches. Ils ont été pris en charge par une cellule pour les «accompagner, rassurer et réancrer dans la réalité», selon une responsable.
«C’est important d’être présent (à l’école) pour sa famille, ses proches, ses élèves, il faut donner de la force aussi à ceux qui ont vu ça», a déclaré Rudy, élève de 3e, qui a eu Agnès Lassalle en cours l’année dernière. Il décrit une «prof très gentille», «à l’écoute», «droite dans ses bottes».
Déroulement des faits
Mercredi à 9h45, en cours d’espagnol, le jeune homme s’est levé, a verrouillé la porte de la classe et s’est dirigé vers la professeure en sortant un couteau de cuisine d’une lame de 18 cm, caché dans un rouleau de papier essuie-tout, a expliqué le procureur.
Il a porté «un seul coup violent» de la main droite, «de haut en bas», qui a «entraîné la section de l’aorte et l’atteinte du poumon droit sur une longueur d’environ 14 cm, avec une perforation du sternum». Le jeune homme a été «apaisé, maîtrisé» dans une salle de classe voisine par deux professeurs. «À ce moment-là, a poursuivi le procureur, il aurait déclaré: «J’ai ruiné ma vie, tout est fini»».
«Une petite voix qui lui parle»
L’auteur présumé de l’agression «n’était pas connu des services de police, ni des services de justice», selon le Parquet. D’après une source proche du dossier, des antidépresseurs ont été retrouvés chez lui et il a expliqué avoir été «en conflit intérieur avec un être malfaisant». Le lycéen suspecté a évoqué «une petite voix» qui lui a «suggéré de commettre un assassinat», a déclaré en conférence de presse le procureur de la République de Bayonne, jeudi.
«Durant sa garde à vue, le mis en cause a mis en avant une petite voix qui lui parle, un être qu’il décrit comme égoïste, manipulateur (…), qui l’incite à faire le mal et qui lui aurait suggéré la veille de commettre un assassinat», a déclaré le procureur Jérôme Bourrier, qui a précisé que l’adolescent était suivi par un médecin psychiatre.
«Accessible à une responsabilité pénale»
«On sait aussi qu’il avait été affecté par une dispute qu’il avait eue la veille avec un camarade et sur ce plan, il a eu des propos un peu fluctuants avec le médecin requis pour l’examiner dans un cadre psychiatrique. Il aurait mis en avant qu’il aurait voulu commettre les faits en la présence de ce garçon avec lequel il s’est disputé comme pour le punir d’une certaine manière», a-t-il ajouté. «Il admet aussi une forme d’animosité à l’égard de sa professeure d’espagnol, dans une matière où ses résultats n’étaient pas bons, contrairement aux autres enseignements.»
Un premier examen psychiatrique a révélé «une forme d’anxiété réactionnelle pouvant perturber son discernement» et «des éléments de dépression évoluant depuis une année», mais «aucune maladie mentale de type schizophrénie, état maniaque, mélancolie ou retard mental, ni décompensation psychiatrique aiguë».
Le jeune homme est «accessible à une responsabilité pénale sous réserve des expertises qui devront être ordonnées et d’une possible altération de son discernement» et le Parquet va demander son «placement en détention provisoire», a encore précisé le procureur, ajoutant qu’il allait ouvrir vendredi, «une information judiciaire sous la qualification de meurtre avec préméditation». Les agressions contre des professeurs sont fréquentes en France, mais l’AFP a recensé moins d’une dizaine de meurtres sur les quatre dernières décennies.
«Un garçon timide»
Le suspect était arrivé à la rentrée dans ce collège-lycée calme et prisé, après avoir réussi son brevet avec mention très bien. C’était un «très bon élève», de l’avis de ses camarades. L’année dernière, il était en troisième dans un collège public, selon une ancienne camarade de classe.
Elle l’a décrit comme «un garçon timide», qui avait «deux ou trois amis, mais pas beaucoup plus». «Parfois arrogant» ou «colérique», il n’aimait «pas trop se faire reprendre par les professeurs en classe», selon elle. Dans ce collège public, il aurait subi du harcèlement, le poussant à une tentative de suicide en octobre 2022. Il était sous médicaments depuis lors.