États-UnisÀ Los Angeles, la tuerie a marqué la diaspora chinoise
Aux Etats-Unis, le carnage survenu dans un dancing de Los Angeles samedi, en plein Nouvel An chinois, interpelle la communauté asiatique.
Onze morts, neuf blessés et au-delà de ce lourd bilan, un rêve entier saccagé: en Californie, la tuerie de masse de Monterey Park traumatise une banlieue chinoise de Los Angeles, largement considérée comme un modèle d’intégration asiatique au sein du grand «melting-pot» américain. Pour la diaspora, «ce coin est considéré comme l’endroit parfait», explique à l’AFP Martin Ding, dans un supermarché asiatique construit en forme de pagode.
Au milieu du gingembre confit, des biscuits siglés «Hello Kitty» et des durians -- fruits épineux d’Asie du Sud-Est -- surgelés, cet agent immobilier se demande encore comment un septuagénaire d’origine asiatique a pu faire un carnage dans un dancing de cette cité pavillonnaire samedi, en plein Nouvel An chinois. «C’est un grand choc pour moi», souffle ce sino-américain de 22 ans, qui habite le centre-ville de Los Angeles, mais conduit régulièrement sur une dizaine de kilomètres pour venir faire ses courses ici.
Sa stupeur est largement partagée dans cette cité paisible de 60’000 habitants, où plus de 65% des habitants sont d’origine asiatique. Car aux États-Unis, Monterey Park a depuis longtemps été érigé en modèle du rêve sino-américain: sociologues et universitaires ont consacré des livres entiers à cette ville, qui s’est imposée depuis les années 70 comme le «premier Chinatown de banlieue».
«Beverly Hills chinois»
Encaissé entre Los Angeles et les collines ensoleillées de la vallée de San Gabriel, l’endroit a longtemps été vendu comme un «Beverly Hills chinois» par un magnat de l’immobilier local. Jusqu’à cette tuerie, Monterey Park promettait la douceur de vivre aux immigrés, avec ses commerces bardés d’idéogrammes, ses parcs idéaux pour les amateurs de tai chi, et ses agences bancaires où l’on parle mandarin.
Monterey Park «embrasse sa diversité (…), nous sommes un exemple de ce à quoi ressemble une communauté multiculturelle et multi-ethnique», abonde Thomas Wong, l’un des membres du conseil municipal, en rappelant l’importance des diasporas japonaise, coréenne, vietnamienne, mais aussi latino-américaines.
«C’est tellement choquant»
Outre quatre membres asiatiques, dont deux ouvertement gays, au sein du conseil municipal, la ville est également représentée par Judy Chu à Washington, première femme sino-américaine à siéger au Congrès américain. «Voilà pourquoi c’est tellement choquant de voir un incident aussi violent que celui-ci, dans notre communauté très sûre, qui a toujours accueilli toutes les cultures», reprend Thomas Wong.
«La ville est tellement sûre que mon fils de 12 ans marche tout seul pour aller à son studio de kung fu», renchérit Elizabeth Yang. Cette avocate de 40 ans, plus habituée aux compliments de la diaspora sur la qualité des restaurants locaux de «dim sum» -- petits plats cantonais -- qu’aux visites éplorées des politiques californiens, fréquentait le dancing visé par le tireur.
Possible jalousie
Le profil de cet homme, Huu Can Tran, qui s’est suicidé après avoir essayé de pénétrer dans une deuxième salle de bal, intrigue la ville entière. Comment ce Chinois septuagénaire, au patronyme à consonance vietnamienne, a-t-il réussi à se procurer un pistolet semi-automatique interdit à la vente en Californie ? Avait-il des connexions louches? A Los Angeles, «il y a la mafia à Chinatown, avec des seigneurs de guerre qui prennent le contrôle d’immeubles et maltraitent les gens. Mais on n’entend pas ce genre d’histoires ici», observe Elizabeth Yang.
Depuis la pandémie, l’avocate constate en revanche une recrudescence des violences conjugales. Une piste actuellement envisagée par la police, qui explore une possible histoire de jalousie. «C’était un incident isolé», se rassure Elizabeth Yang. «Maintenant qu’il est mort, tout doit revenir à la normale.»