FootballBaptiste Bersier: «Si on respecte Lausanne, on ne passera jamais»
L’attaquant du FC Bulle (1L), qui reçoit le Lausanne-Sport vendredi en Coupe de Suisse (19h30), est sans doute le plus Vaudois des Fribourgeois. En prime, il marche sur l’eau actuellement. Le LS devra se méfier.
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La Gruyère est en ébullition. Près de 170 ballons de match ont déjà trouvé preneur à quelques heures de la venue du grand Lausanne-Sport. Ce qui signifie que le FC Bulle devrait être entré dans ses frais avant même l’ouverture des portes vendredi soir. Un match pour l’honneur et les souvenirs. Mais presque plus qu’un match, un derby pour les Bullois, plus habitués à affronter des adversaires vaudois que fribourgeois.
Un homme incarne au mieux le pont entre les deux régions. Il s’appelle Baptiste Bersier (25 ans), a fait les beaux jours du Stade-Payerne (deux saisons), d'Echallens (trois saisons) avant de relever le défi qui se proposait à lui à Bouleyres à l’été 2019. Il parle de ses attaches sur Vaud, de l’affection qu’il porte à son football et de sa recette pour faire tomber les gros en Coupe de Suisse.
Baptiste, le canton de Vaud, ce n’était plus assez bien pour vous?
Non, non! Vous n’imaginez pas le déchirement que ça a été de quitter Echallens. Je m’y étais fait certains de mes meilleurs amis, le directeur technique passe même encore boire un verre de temps à autre chez moi. En plus, tout est parti d’un coup de chance: j’avais fait une partie de mon école à Payerne. Quand j’ai eu l’occasion d’aller y jouer, je savais où je mettais les pieds. La suite, ça n’a été que du bonheur.
Alors pourquoi être parti?
J’ai estimé qu’il le fallait pour ma progression. Comme la plupart des joueurs de 1re ligue, je n’ai pas que le football dans ma vie. Mais cela ne veut pas dire que je n’ai aucune ambition. Au contraire, c’est elle qui m’a guidée à Bulle.
Ce n’est pas le plaisir de jouer dans votre canton?
Vous savez, à Bulle, les gens ne se définissent pas comme Fribourgeois. Ils sont Gruyériens. Alors, pour moi qui viens de Cugy (FR), on ne peut pas vraiment dire qu’il s’agissait d’un choix d’identité. Aujourd’hui, je me sens comme chez moi. Mais j’ai dû m’y faire ma place.
Vous êtes resté attaché au football vaudois malgré tout?
Les premiers résultats que je regarde le week-end, ce sont ceux de La Sarraz/Eclépens, d'Echallens, de Thierrens. Bien sûr! D’ailleurs, au premier tour de la Coupe de Suisse, j’étais à Echichens lorsqu’ils ont reçu le Lausanne-Sport. J’ai quelques amis là-bas aussi.
Et il se trouve que Bulle tombe sur le LS au tirage au sort du tour suivant. On peut dire que vous avez l’instinct, sur et en dehors du terrain…
On dira ça! (Rires)
Après votre victoire au premier tour à Genolier, vous annonciez viser les quarts de finale…
J’ai peut-être eu moins d’instinct sur ce coup-là. J’imaginais un parcours où on éviterait un aussi gros morceau si rapidement.
Ça vous fait peur?
Si on respecte Lausanne, on ne passera jamais. Alors non, ça ne me fait pas peur.
D’autant plus que pour faire déjouer les gros, vous connaissez la recette. Là encore, ça vous vient d'Echallens.
C’est vrai qu’il y a eu cette campagne folle avec Alexandre Comisetti en 2017. Aarau au premier tour (2-1), Xamax ensuite (3-2, après prolongations), puis cette défaite pour un rien en huitièmes contre Lucerne (2-3).
Vous en gardez quoi?
Tellement de choses… Un peu d’amertume puisque le coach ne m’avait pas convoqué, logiquement, pour Lucerne. Je me trouvais en semestre universitaire à Paris, à la Sorbonne. J’aurais pu faire le trajet, comme contre Neuchâtel, mais je n’étais pas tout à fait en forme. Pour le reste, que du positif.
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Cela se traduit comment?
C’est ce que j’ai essayé de transmettre à mes coéquipiers avant le match de vendredi. Des buts en 1re ligue, j’en ai inscrit quelques-uns, eux aussi, mais je suis très loin de me souvenir de chacun d’eux. Par contre, un but en Coupe de Suisse, ou une victoire peu importe, ça ne s’oublie pas. On pourra encore en parler dans dix, vingt, trente ans.
C’est tout?
Il y a ces feelings qui remontent, parfois. On se revoit dans telle ou telle situation, on ressent ce qu’on a ressenti sur le moment. C’est fort. Par exemple, je me remémore très facilement le pourtour du terrain des Trois-Sapins, avec ces centaines, ces milliers de gens qui s’étaient déplacés. Et puis, si on parle d’un aspect plus matériel, j’ai toujours chez moi le maillot de Ricky van Wolfswinkel, l’attaquant du FC Bâle qu’on avait affronté l’année d’après. Après que je l’ai approché, lui voulait qu’on échange nos maillots. Mais comme je tenais absolument à garder le mien en souvenir, j’ai pris le sien… et je suis parti! (Rires)
Vous parlez de l’affluence: il y aura du monde à Bouleyres vendredi?
J’espère! On parle de 1’000 à 2’000 personnes. Mais plus encore, j’aimerais qu’on permette à ces gens de vibrer. Ce serait tellement beau qu’on leur offre le premier but du match.
C’est dur de venir jouer chez vous?
On essaie de faire de ce stade une forteresse. Sauf erreur, ça doit faire deux saisons qu’on n’y a plus perdu un match. Le seul hic, c’est que la pelouse est peut-être un peu trop belle pour que le LS ait du mal à mettre son jeu en place.
Chiasso était reparti battu d’ici il y a deux ans…
Vous savez, ce match a changé beaucoup de choses. Il y a des clubs où la Coupe est sacrée, comme à Echallens. Et d’autres où ce n’est pas le cas. J’ai l’impression que cette victoire contre Chiasso a permis à Bulle de passer de la seconde école à la première.
Ce match devrait être un vrai événement. L’équipe s’est déplacée à la Tuilière dimanche pour superviser Lausanne?
Toute une partie, oui! Ils sont revenus avec une cargaison de théories. «Dans cette zone, il y a une faiblesse; là il y a quelque chose à faire; ce joueur est super fort; celui-ci un peu moins…» Ça parle beaucoup dans le vestiaire depuis le début de la semaine. C’est bien!
Personnellement, que vous évoque le LS? Vous vous êtes déjà imaginé y jouer?
Imaginer, c’est un bien grand mot. Disons que, lorsque j’évoluais à Echallens, je m’étais dit qu’en marquant beaucoup, la suite logique serait peut-être le Lausanne-Sport. Bon, il n’y a jamais eu de contacts.
Et plus jeune? De quoi rêve un bon junior fribourgeois?
De plein de choses, en fait. Ses perspectives sont variées, souvent influencées par sa région d’origine. S’il vient de la Sarine, il s’imaginera plus facilement avec le maillot de Young Boys sur le dos. S’il vient de la Broye, ce sera plutôt Lausanne. À titre personnel, j’allais regarder les matches du FC Fribourg à Saint-Léonard. Ce stade m’a toujours fait quelque chose… Alors je me disais qu’atteindre la 1re ligue un jour, ce serait déjà génial.
Un quadruplé en Coupe au tour passé, déjà quatre buts en championnat cette saison: vous marchez sur l’eau actuellement, non?
C’est drôle, mais oui: quoi que je fasse, il y a tout qui entre. L’autre jour encore, un ballon improbable arrive sur ma tête aux seize mètres. Il rebondit, lobe le gardien, touche la latte et termine au fond…
Vous en avez gardé un ou deux pour vendredi?
Plusieurs proches m’ont déjà posé la question. Je profite de ce qui m’arrive, mais je ne me prends pas la tête avec ça. C’est positif de savoir qu’on n’aura pas besoin de beaucoup d’occasions pour en mettre une au fond. Mais la différence se fera sur la tactique, sur notre force à contenir le LS. À Echallens, c’est ainsi qu’on était parvenus à nos fins.