CommentaireNeutralité: la diplomatie suisse est-elle si naïve?
La Russie n’est pas entrée en matière sur une demande de l’ambassade suisse à Moscou pour jouer les bons offices avec l’Ukraine. Étonnant?
- par
- Eric Felley
On l’a appris jeudi, la diplomatie suisse s’est fait remballer par la diplomatie russe. L’ambassade de Suisse à Moscou voulait offrir ses services consulaires aux Ukrainiens établis en Russie et vice versa aux Russes établis en Ukraine. Moscou a répondu qu’il n’en était pas question: «Nous avons dû répondre non, car la Suisse avait perdu son statut d’État neutre, a déclaré un porte-parole de la diplomatie russe cité par la RTS. Elle ne peut agir ni comme intermédiaire, ni comme représentant, car Berne s’est associée aux sanctions occidentales et illégales contre la Russie».
Y a-t-il un pilote dans l’avion?
En Suisse, la révélation de cette approche très confidentielle de la diplomatie helvétique a de quoi surprendre. Pas plus tard que le 3 août dernier, la Confédération annonçait avoir repris des sanctions européennes, notamment sur l’interdiction du commerce de l’or russe. On peut se demander s’il y a un pilote dans l’avion du Conseil fédéral ou si cela fait partie d’un jeu? En public, on reprend les sanctions européennes, mais en coulisses, on essaie de remonter discrètement la pente du côté russe.
De la discrétion
La déclaration du porte-parole Ivan Nechayev a non seulement coupé court aux avancées secrètes de la Suisse, mais les a rendues publiques. La réponse faite jeudi par le Département fédéral des affaires étrangères à la RTS témoigne d’un embarras certain en trois lignes: «Le DFAE a pris connaissance de la déclaration d’une porte-parole du Ministère russe des Affaires étrangères. La discrétion est un élément essentiel des bons offices. Par conséquent, aucune information supplémentaire ne sera donnée pour le moment».
Depuis jeudi, d’aucuns ont relevé un revers, un camouflet ou une tentative naïve ou maladroite de la Suisse vis-à-vis de la Russie. Pourtant, sur le fond, la Suisse a sans doute raison de tenter des ouvertures diplomatiques. Par contre, sur la forme, c’est mal connaître son «adversaire» russe, pour qui la discrétion n’est pas «un élément essentiel». On ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de Sergueï Lavrov…