États-UnisProcès d’un «Beatle» de l’EI: la parole aux proches d’un journaliste tué
Les parents de James Foley, exécuté par l’EI en Syrie, ont témoigné lundi au procès d’El Shafee el-Sheikh.
Les proches du journaliste américain James Foley, exécuté en 2014 en Syrie, ont confié lundi, au procès d’un de ses ravisseurs présumés, comment ils avaient d’abord pris pour une «blague cruelle» la vidéo mettant en scène sa décapitation, avant qu’elle ne leur «brûle le cerveau».
«Je ne voulais pas y croire, c’était juste trop horrible», a déclaré sa mère, Diane Foley, au quatrième jour du procès, près de Washington, d’El Shafee el-Sheikh, un djihadiste du groupe État islamique (EI).
Cet homme de 33 ans, déchu de sa nationalité britannique, est accusé d’avoir fait partie d’un groupe de gardiens particulièrement cruels surnommés les «Beatles» par leurs prisonniers en raison de leur accent anglais.
James Foley, un photographe indépendant, fait partie de leurs victimes. En octobre 2012, il s’était envolé pour couvrir le conflit syrien, promettant à sa famille de rentrer pour Noël. Ses proches ont commencé à s’inquiéter en novembre: «James nous appelait toujours pour la fête» de Thanksgiving, très populaire aux États-Unis. Et là, il y a eu «un silence assourdissant», a expliqué sa mère.
Peu après, un collègue de James leur a annoncé qu’il avait été enlevé, en même temps que le reporter britannique John Cantlie. S’en sont suivis neuf mois sans savoir s’il était «en vie ou pas», une angoisse finalement levée par un email des ravisseurs.
«Ridicules»
Malgré ces échanges, les djihadistes n’ont jamais négocié sérieusement, selon son frère Michael Foley, lui aussi appelé à la barre des témoins. Un jour, ils ont réclamé à la famille de «faire pression sur le gouvernement des États-Unis pour qu’il libère des prisonniers musulmans». Un autre, ils ont exigé une rançon de 100 millions de dollars, a-t-il expliqué. Ces requêtes étaient «ridicules»: «On n’avait aucune chance de les satisfaire.»
En décembre 2013, la communication est coupée. La famille attendra huit longs mois avant que n’arrive un nouveau message, particulièrement inquiétant. Il annonce que James Foley va être exécuté en «représailles» aux bombardements américains contre les forces de l’EI.
Sept jours plus tard, une vidéo le montrant en tenue orange de prisonnier à côté d’un homme vêtu de noir, encagoulé et armé d’un couteau de boucher, est publiée sur internet. On y voit aussi, après quelques minutes, son corps sans tête.
Informé par un journaliste, Michael Foley l’a regardée «une ou deux fois». «Je ne l’ai pas revue depuis, mais elle continue de me brûler le cerveau.» Au début, sa mère n’y croit pas. Cela ressemblait à «une blague cruelle». Il faudra l’intervention du président Barack Obama à la télévision pour qu’elle réalise qu’il s’agit bien de la réalité.
«L’inverse»
Dans la foulée, son bourreau, surnommé «Jihadi John», exécutera plusieurs autres otages américains, britanniques et japonais face à la caméra. Une quinzaine d’Européens seront en revanche relâchés contre le paiement de rançons. Des analyses vocales l’identifieront comme Mohammed Emwazi. En 2015, il est tué dans une attaque à la bombe, menée par un drone américain.
En janvier 2018, les forces kurdes syriennes arrêtent El Shafee el-Sheikh et Alexanda Kotey, soupçonnés de faire aussi partie des «Beatles». En 2019, ils sont remis aux forces américaines et transférés en Irak.
Diane Foley se bat alors pour que les deux hommes soient jugés aux États-Unis, devant un tribunal civil, et non pas envoyés sur la base militaire de Guantanamo. En septembre 2020, ils sont finalement transférés sur le sol américain.
Depuis, Alexanda Kotey a plaidé coupable. El Shafee el-Sheikh assure, lui, ne pas avoir été un «Beatle». Malgré cette ligne de défense «surprenante», Diane Foley s’est dite satisfaite qu’il ait droit à un procès. «Nous devons montrer que nous sommes différents» des djihadistes, a-t-elle dit à l’AFP la semaine dernière. «James était innocent, il n’y a pas eu de justice pour lui, mais il est très important que nous fassions l’inverse.»