TurquieLe mécène turc Osman Kavala condamné à la perpétuité
Bête noire du président Recep Tayyip Erdogan, Osman Kavala a été condamné lundi à la prison à perpétuité pour avoir tenté de renverser le gouvernement turc.
Le mécène turc Osman Kavala, détenu depuis quatre ans et demi, a été condamné lundi à Istanbul à la perpétuité après les plaidoiries de la défense qui avait réclamé son acquittement pour manque de preuves et dénoncé l’acharnement du pouvoir.
Osman Kavala, accusé d’avoir tenté de renverser le gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan, ne pourra bénéficier d’aucune remise de peine, ont précisé les juges dont le verdict, énoncé après moins d’une heure de délibéré, a été accueilli par des huées dans la salle du tribunal et les pleurs de ses proches. Il a été seulement acquitté de l’accusation d’espionnage. Ses avocats ont fait part de leur intention de faire appel.
«Nous nous attendons à ce qu’Osman Kavala soit libéré immédiatement», a déclaré la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock dans un communiqué, dénonçant un arrêt «en contradiction flagrante avec les normes de l’État de droit».
«Sévérité maximale»
Cette condamnation «témoign(e) d’une sévérité maximale et ignor(e) la décision de la Cour européenne des droits de l’homme», a dénoncé le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell sur Twitter. «Le respect des droits fondamentaux et libertés est aujourd’hui plus important que jamais», a-t-il ajouté.
La représentante de Human Rights Watch Emma Sinclair-Webb, présente au tribunal, a dénoncé sur Twitter le «pire dénouement possible» – «Horrible, cruel et diabolique», et le directeur Europe d’Amnesty International, Nils Muiznieks, a fustigé une «parodie de justice».
L’association turque des juristes contemporains (CHD) a appelé les avocats à participer à une veille mardi devant le palais de justice pour protester contre le verdict. «Ce gouvernement, qui s’est abattu sur le pays comme un cauchemar, continue de piétiner le droit», a réagi de son côté le chef du principal parti turc de l’opposition, Kemal Kilicdaroglu.
«Assassinat judiciaire»
Par avance, à la clôture des débats, Osman Kavala – qui a toujours nié les charges pensant contre lui – avait dénoncé un «assassinat judiciaire» contre sa personne: «Les théories du complot, avancées pour des raisons politiques et idéologiques, ont empêché une analyse impartiale des événements et (les ont) déconnectés de la réalité», avait-il lancé avant que les juges ne se retirent.
Figure de la société civile turque, Osman Kavala, 64 ans, était accusé d’avoir cherché à renverser le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan via le financement des manifestations anti-gouvernementales dites «mouvement de Gezi» en 2013 et lors du coup d’État raté de juillet 2016.
C’est depuis la prison de haute sécurité de Silivri, en lisière d’Istanbul, par visioconférence et vêtu comme à l’accoutumée d’une chemise blanche impeccable, qu’il a suivi les plaidoiries et entendu l’énoncé du verdict, épilogue d’un feuilleton judiciaire renvoyé de mois en mois.
«Lâchez vos téléphones»
Les trois avocats de l’homme d’affaires, éditeur et philanthrope, ont notamment fait valoir que jamais les juges ne lui avaient demandé «où il se trouvait» lors des faits qui lui étaient reprochés. «Il n’y a pas eu de procès: vous n’avez pas posé une seule question à Osman Kavala», a lancé Me Tolga Aytöre.
Pendant les plaidoiries, la représentante du Pen Club, association de défense de la liberté d’expression, Caroline Stockford, a demandé aux juges de «lâcher leur téléphone», laissant entendre qu’ils n’écoutaient pas la défense. Face à la cour vendredi, Osman Kavala avait dénoncé l’influence du président Erdogan sur son procès. Ses sept co-accusés – qui comparaissaient libres – ont écopé d’une peine de dix-huit ans de prison, accusés de lui avoir apporté leur soutien.
Washington «profondément déçu» par cette condamnation «injuste»
Les États-Unis se sont dits lundi «profondément troublés et déçus» par la condamnation à la prison à perpétuité du mécène turc Osman Kavala. «Sa condamnation injuste est contraire au respect des droits humains, des libertés fondamentales et de l’État de droit», a dit dans un communiqué le porte-parole du département d’État, Ned Price, en appelant les autorités turques à le libérer.