France: En Alsace, «la capitale de la choucroute» craint pour ses choux

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FranceEn Alsace, «la capitale de la choucroute» craint pour ses choux

Précipitations en baisse et coûts de production en hausse: Krautergersheim s’inquiète pour ses choux, assoiffés par le changement climatique.

En mai et juin, à Krautergersheim, l’eau a manqué au moment où le chou en avait le plus besoin pour sa croissance.

En mai et juin, à Krautergersheim, l’eau a manqué au moment où le chou en avait le plus besoin pour sa croissance.

AFP

À une vingtaine de kilomètres au sud de Strasbourg, la «capitale de la choucroute», Krautergersheim la bien nommée («Kraut» signifie «chou» dans les langues germaniques), déroule ses champs de choux à choucroute au pied des Vosges. Le village de 1700 habitants s’enorgueillit d’une fontaine surmontée d’un chou vert. Il organise chaque année, fin septembre, une fête de la Choucroute, célébrant un plat qui remonte au moins au Moyen Âge, lorsque la fermentation naturelle permettait de conserver le chou plus longtemps.

Si la réputation de la choucroute garnie alsacienne n’est plus à faire, le végétal dont elle est issue reste mal connu: à la différence du petit chou, légume que l’on trouve dans le commerce, le chou à choucroute est un mastodonte de quatre à cinq kilos, de la taille d’un ballon de basket.

«Toute l’année, on manque de pluie»

Et le pépère a soif, très soif. Au point que le changement climatique donne des sueurs froides à Joseph Bick, qui en possède des dizaines d’hectares à Krautergersheim. «Toute l’année, on manque de pluie», déplore-t-il, alors que ses employés déterrent les choux à l’aide d’une récolteuse qui les charge dans une benne via un tapis élévateur.

«Aujourd’hui, on n’arrive plus à faire du chou à choucroute sans irrigation.»

Joseph Bick, cultivateur de choux à choucroute

Cette année, «sur deux mois, on n’a pas eu d’eau», en mai et juin, au moment où le végétal en avait le plus besoin pour sa croissance. «On a donc été obligés d’irriguer. Aujourd’hui, on est à cinq tours d’eau sur chaque parcelle», témoigne le cultivateur de 54 ans.

«Nous, les agriculteurs, on est aux premières loges des changements climatiques», observe-t-il. «Il y a 20 ans, on faisait peut-être un tour d’eau par an pour favoriser notre rendement, mais aujourd’hui, on n’arrive plus à faire du chou à choucroute sans irrigation.»

Eau et carburant coûtent cher

Or, arroser coûte cher. Pour faire marcher ses pompes, Joseph Bick compte douze litres de diesel non routier (GNR) à l’hectare par heure d’arrosage, et 25 heures en moyenne annuelle à l’hectare. Et le prix du GNR, un carburant très utilisé par les agriculteurs, s’envole, passant en moyenne nationale de 1,12 euro le litre en mai à 1,35 actuellement.

«Un chou, ça pousse bien en dessous de 30 degrés. Au-dessus, il faut qu’on travaille sur d’autres variétés», suggère Sébastien Muller, président de l’Association pour la valorisation de la choucroute d’Alsace (AVCA), qui a obtenu de Bruxelles, en 2018, une Indication géographique protégée (IGP). «Il faut des variétés qui supportent mieux la chaleur, qui soient robustes et résistent aux maladies, tout en produisant de fines lanières longues et blanches, conformes au cahier des charges de l’IGP.»

Septante pour cent de la production du pays

L’AVCA réunit une cinquantaine de producteurs et seulement neuf transformateurs, les «choucroutiers», qui assurent 70% de la production française. Les champs de Joseph Bick encerclent l’usine de la choucrouterie Meyer Wagner, où ses choux sont transformés en lanières, salées et plongées dans des cuves de fermentation étanches. Joseph Bick n’a pas loin à aller pour livrer sa production, 50 tonnes en une seule journée, soit 10’000 choux.

Le prix du chou les divise

Ces derniers temps, producteurs et transformateurs sont en bisbille pour huit euros: en réponse à la hausse de leurs coûts de production, les premiers voudraient facturer leur chou 128 euros la tonne, au lieu de 120 actuellement. «Pour l’avenir et pour que nos jeunes s’intéressent à cette culture, ça serait bien que les choucroutiers paient notre travail à sa juste valeur», argumente Joseph Bick, cultivateur.

À quoi le choucroutier Jean-Luc Meyer rétorque que «le prix du chou a déjà énormément augmenté ces dernières années, autour de 40 pour cent». «Nos clients ne peuvent plus absorber de grosses hausses, qui à un moment donné vont engendrer une destruction de la demande: le consommateur va refuser d’acheter le produit au-dessus d’un certain prix.»

Joseph Bick s’alarme, lui, du déclin de la profession: «Il y a 20 ans, on était plus de 200 producteurs. Si nous aussi on s’arrête, c’est un savoir-faire de l’Alsace qui va être perdu.»

(AFP)

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