CommentaireEmmanuel Macron: un allié inattendu pour les pronucléaires en Suisse?
La présentation du programme énergétique du président français en faveur des petites centrales nucléaires en a surpris plus d’un. En Suisse, le Conseil fédéral reste pour l’instant imperturbable.
- par
- Eric Felley
Le plan d’investissement 2030 présenté mardi par le président français Emmanuel Macron a laissé une place importante à l’énergie nucléaire. Selon lui, la France devrait construire des petits réacteurs modulaires pour un milliard d’euros d’ici 2030. Ces petits réacteurs ont une puissance d’environ 300 mégawatts, contre plus de 1000 MW pour les réacteurs classiques, et peuvent être fabriqués en usine, puis transportés sur leur lieu d’exploitation.
Cette annonce a constitué une surprise, car le président français s’était plutôt engagé à dénucléariser le pays, en tout cas à faire baisser la part du nucléaire par rapport aux énergies renouvelables. Il a fait fermer Fessenheim en 2020, mais ensuite il n’a pas caché que le pays ne pourrait pas se passer de l’atome. Aujourd’hui il estime que la France doit réinvestir dans ce domaine avec cette technologie modulaire. Son intervention intervient également après que dix pays ont publié dimanche une tribune en faveur du nucléaire dans divers journaux. On y trouve la France avec la Finlande, la Slovaquie, la Croatie, la Slovénie, la Bulgarie, la Pologne, la Hongrie, la Roumanie et la République tchèque.
Rouvrir le dossier en Suisse?
Ce regain d’intérêt pour le nucléaire, qui ne produit pas de CO₂, fait également des émules en Suisse. Vendredi dernier, lors d’un débat sur l’énergie à la Foire du Valais, le vice-président du PLR et conseiller national Philippe Nantermod (PLR/VS) a fait une déclaration dans ce sens: «Il faut rouvrir le débat sur le nucléaire», notamment pour répondre à la demande future des voitures électriques.
À Berne, c’est le conseiller national Eric Hess (UDC/BE), qui a déposé une motion en ce sens au mois de juin dernier «pour autoriser la construction de nouvelles centrales nucléaires», car il considère que l’abandon du nucléaire en 2011 «a été précipité». Dans sa réponse donnée à fin août, le Conseil fédéral s’est montré cependant très clair. Il rappelle que le peuple suisse, en votant en 2017 la loi sur l’énergie, a entériné l’interdiction de construire de nouvelles centrales: «Les arguments avancés à l’époque demeurent valables, précise-t-il, à savoir les coûts élevés liés à la construction de nouvelles centrales nucléaires, notamment en raison des exigences actuelles en matière de sécurité, et la question non résolue du stockage définitif des déchets radioactifs».
La Suisse a une vision à long terme
Le Conseil fédéral a surtout établi une vision à long terme qui assure l’approvisionnement du pays en électricité: «La Suisse est en mesure de transformer son système d’approvisionnement en énergie pour atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050 et, dans le même temps, assurer la sécurité de l’approvisionnement en énergie à mesure que les centrales nucléaires sont mises hors service. D’ici à 2050, la consommation d’électricité de la Suisse pourra reposer presque intégralement sur la force hydraulique et les nouvelles énergies renouvelables».
En conclusion, la promotion du nucléaire faite par Emmanuel Macron ne devrait pas faire bouger les lignes en Suisse. La France reste un pays où l’atome est emblématique, mais d’autres pays européens ont une tout autre vision. L’Allemagne (qui veut sortir du nucléaire d’ici à fin 2022), l’Autriche, l’Italie, le Danemark, le Luxembourg et l’Espagne ne veulent plus investir dans le nucléaire.