EmploiLes patrons suisses veulent que nous travaillions plus et plus longtemps
Pour lutter contre la pénurie de personnel qui frappe la Suisse, l’Union patronale suisse propose huit mesures corsées qui font déjà réagir violemment à gauche.
- par
- Eric Felley
L’Union patronale suisse (UPS) regorge d’idées pour lutter contre la pénurie de personnel qualifié en Suisse. Lundi, elle a présenté un plan d’attaque en huit points. «De plus en plus d’entreprises peinent à pourvoir leurs postes, constate l’UPS. Aujourd’hui déjà, quelque 120 000 postes restent non pourvus et la tendance ne devrait que s’intensifier, alors qu’un million de baby-boomers s’apprêtent à prendre leur retraite».
Pour les patrons, la situation de l’emploi en Suisse ne fera que s’aggraver: «En raison de la baisse progressive du taux de natalité, il manquera en Suisse un demi-million de travailleurs d’ici 2030 et même 1,3 million d’actifs d’ici 2050». Sauf, si l’on met en pratique les recommandations de l’USP.
1. Des horaires de travail plus longs
L’UPS constate qu’en dix ans, «la population active travaille presque 14 jours de moins par an». En cause: l’augmentation du travail à temps partiel et du nombre de jours de congé, la hausse de l’absentéisme ainsi que la diminution des heures supplémentaires. «Nous devons augmenter le volume de travail et non envisager de le réduire encore, dit l’UPS. La Suisse doit parvenir à définir des conditions-cadres pour les entreprises et la société, qui permettent aux actifs motivés de travailler plus. Pour cela, il faut également éliminer les incitations négatives existantes et rejeter les démarches politiques visant à réduire la durée du temps de travail».
2. Des crèches pour travailler plus
L’USP constate que l’offre de structures d’accueil pour les enfants reste insuffisante en Suisse. «Dans un foyer, si les deux parents doivent pouvoir travailler à un taux d’occupation élevé, il faut qu’ils puissent compter sur des offres efficaces et disponibles partout pour l’accueil de leurs enfants». L’UPS demande donc de renforcer le financement des crèches et des écoles de jour. «Chaque franc déboursé par l’État pour subventionner les structures d’accueil des enfants doit ensuite être utilisé pour travailler plus, et non plus pour les loisirs».
L’USP demande aussi la suppression de l’imposition des couples mariés et le passage à l’imposition individuelle: «Une imposition individuelle permettrait de pourvoir jusqu’à 60 000 postes à temps plein supplémentaires».
3. Travailler plus longtemps
Pour l’UPS, «La Suisse est l’un des pays d’Europe où l’âge légal du départ à la retraite est le plus bas». Avec un départ à la retraite à 65 ans, «dans bien des cas, la poursuite d’une activité professionnelle est impossible même si l’employeur et l’employé le souhaitent tous les deux». L’UPS demande une «augmentation générale de l’âge du départ à la retraite» sans préciser exactement de combien d’années. Elle évoque de «nouveaux modèles de travail qui peuvent aider les travailleurs d’un certain âge à rester plus longtemps sur le marché du travail».
4. Valoriser la formation professionnelle
L’UPS veut revaloriser l’image de la formation professionnelle auprès des jeunes et de leurs parents. «L’ancrage d’une orientation professionnelle et universitaire, notamment dans les types d’écoles où les exigences scolaires sont élevées, doit évoluer et devenir obligatoire. Il est indispensable de présenter au plus tôt, et notamment aux jeunes femmes, des profils professionnels adaptés ainsi que les avantages de la formation professionnelle».
5. Mettre au pas les universitaires
L’UPS estime que les universitaires doivent amortir le coût de leurs études et rejoindre plus tôt le monde du travail. Elle propose un modèle qui consisterait en une «augmentation exponentielle des frais de scolarité au bout de dix semestres par exemple, en un paiement en aval des frais de scolarité ou encore en des systèmes de prêts. De tels instruments permettraient de guider le choix des études vers des filières demandées sur le marché du travail, afin que la société n’ait pas à financer des frais de formation inutiles».
6. Une immigration sélective
S’il faut mieux exploiter le «potentiel domestique» de personnel qualifié, il est insuffisant pour répondre aux besoins de personnel qualifié de la Suisse. «Nous resterons tributaires d’une immigration ciblée en provenance des pays de l’UE et de l’AELE ainsi que d’États tiers, note l’UPS. Une immigration portée par le marché du travail doit rester possible. L’accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l’Union européenne conserve un rôle central et doit encore être développé. Les contingents réservés aux ressortissants d’États tiers doivent être mieux adaptés aux besoins de l’économie».
7. Des horaires plus flexibles
L’UPS constate que le droit du travail, «datant pour l’essentiel des années 1960», est adapté à la main-d’œuvre industrielle. «Aujourd’hui, il ne couvre pas suffisamment les nouveaux besoins de protection des travailleurs». L’UPS demande donc des assouplissements de ce droit «pour répondre plus précisément aux besoins actuels et futurs du personnel et du patronat. Cela implique entre autres un assouplissement des règles strictes sur les horaires de travail, afin, par exemple, que des parents actifs puissent interrompre leur travail en journée pour s’occuper de leurs enfants et le reprendre en soirée, en dehors des heures de bureau habituelles».
8. Insérer les personnes handicapées
Enfin, l’UPS regrette qu’un nombre «encore trop élevé de personnes quitte le marché du travail en raison d’un handicap physique ou mental». Elle estime que pour les personnes concernées, pour les assurances sociales et les employeurs, «un maintien le plus complet possible de l’employabilité constitue l’un des éléments clés d’un environnement de travail inclusif». Dans le cas de handicaps empêchant la poursuite de l’activité professionnelle habituelle, «il convient de favoriser autant que possible la réintégration des personnes concernées dans le marché du travail primaire».
Les Jeunes socialistes ont réagi
Aussitôt publiées, les propositions de l’UPS ont fait réagir les Jeunes socialistes, qui réclament, eux, une «semaine de 25 heures à salaire égal».