ÉlectionsUn scrutin à haut risque pour une Bosnie en pleine crise politique
Les électeurs sont appelés aux urnes ce dimanche dans le petit pays des Balkans déchiré par des divisions ethniques. Des élections générales qui font craindre de nouvelles turbulences.
Les Bosniens votent ce dimanche aux élections générales dans un pays en pleine crise politique, déchiré par des divisions ethniques croissantes qui mettent en danger son intégrité. Entre menaces sécessionnistes des Serbes orthodoxes, frustrations des Croates catholiques qui ne veulent plus cohabiter avec les Bosniaques musulmans et rêves «d’État citoyen» d’une grande partie de ces derniers, beaucoup craignent de nouvelles turbulences après le scrutin.
Le petit pays pauvre des Balkans est divisé entre une entité serbe, la Republika Srpska (RS), et une fédération croato-musulmane, reliées par un faible pouvoir central souvent paralysé. Ce système est hérité des accords de Dayton de 1995 qui ont mis fin aux combats interethniques dans lesquels 100’000 personnes ont été tuées. Les électeurs ont commencé à participer dimanche matin à un scrutin complexe pour désigner les trois membres de la présidence collégiale de la Bosnie, les députés du Parlement central et ceux des deux entités ainsi que, en Republika Srpska, la présidence.
Surenchère nationaliste
Dans les trois communautés, des chefs qui occupent depuis longtemps le devant de la scène se livrent à la surenchère nationaliste pour se maintenir au pouvoir pendant que tous ceux qui le peuvent choisissent l’exil face à l’absence de perspectives tant politiques qu’économiques. Près de 500’000 personnes ont quitté le pays depuis le dernier recensement de 2013, quand il comptait 3,5 millions d’habitants, selon les estimations de l’Union pour un retour durable, une ONG locale.
Milorad Dodik, chef politique indéboulonnable des Serbes de Bosnie et représentant serbe sortant de la présidence collégiale, brigue cette fois-ci la présidence de la RS. Le nationaliste de 63 ans a multiplié ces derniers mois les menaces sécessionnistes qui lui ont valu des sanctions de Washington et de Londres, tout en répétant à l’envi que la Bosnie était un pays «raté».
Grand admirateur de Poutine
Certains analystes parient sur une victoire de ce grand admirateur du président russe Vladimir Poutine même si sa principale concurrente, Jelena Trivic, universitaire de 39 ans, assure le contraire. Elle aussi joue sur la corde nationaliste, mais promet de pourfendre la kleptocratie instaurée selon elle par Milorad Dodik. «Notre vengeance s’exercera au moyen de la loi», a-t-elle affirmé.
Dans la communauté bosniaque, Bakir Izetbegovic, chef du principal parti, le SDA nationaliste, n’est pas en reste dans la rhétorique incendiaire pour briguer un troisième mandat au fauteuil musulman de la présidence tripartite. Fils du premier président de la Bosnie indépendante, il joue une partie plus difficile qu’avant face à un candidat soutenu par onze partis d’opposition. Denis Becirovic, professeur d’histoire de 46 ans, milite pour une Bosnie «proeuropéenne et unie».
Menaces de boycott
De leur côté, les Croates, qui ont menacé pendant des mois de boycotter le scrutin, sont mécontents de devoir partager une fédération avec les Bosniaques. Tous les partis croates réclament une entité propre ou du moins une modification des règles électorales. Celles-ci permettent aux Bosniaques largement majoritaires démographiquement au sein de l’entité commune d’élire de fait le membre croate à la présidence collégiale.
Enfin, le coprésident croate sortant, Zeljko Komsic, porte-drapeau d’un État «citoyen» considéré comme «illégitime» par une grande partie de sa communauté, affrontera Borjana Kristo, candidate du HDZ nationaliste. En cas de victoire du premier, certains craignent de nouveaux tumultes et blocages institutionnels.