Chine«C’est déprimant mais il faut bien trouver un moyen de survivre»
La politique zéro Covid a de lourdes répercussions sur l’économie chinoise et éreinte les entreprises et leurs salariés.
Restrictions, incertitude et licenciements: en Chine, la politique zéro Covid rend la vie dure aux employés et aux entreprises, contraintes de s’adapter au jour le jour, voire de mettre la clé sous la porte. La Chine est la dernière grande économie à maintenir une stricte stratégie sanitaire, mais cette politique a de lourdes répercussions sur l’économie, avec nombre de commerces fermés, un tourisme en berne, des usines qui fonctionnent au ralenti et des chaînes de production très perturbées.
Ces derniers mois, le pays a affronté sa pire flambée de Covid-19 depuis deux ans. Cette situation a provoqué en avril le confinement total pour deux mois de la capitale économique Shanghai, avec pour conséquence des répercussions désastreuses sur l’activité et un chômage record.
«Pas plus de 35 ans»
«La pandémie a rendu les choses plus compliquées», avec de nombreuses entreprises qui hésitent désormais à embaucher ou réduisent leur masse salariale, explique Fiona Shi, une Pékinoise qui travaillait dans l’hôtellerie et a perdu son emploi à deux reprises à cause de la pandémie. Autre obstacle: un certain nombre de patrons «ne recrutent pas de plus de 35 ans», constate amère Fiona, soulignant la difficulté à retrouver un poste.
Confinements et fermetures inopinés de commerces, de bureaux ou d’usines sont devenus pour les entrepreneurs une préoccupation du quotidien en termes d’organisation. Et à cause de mesures anti-Covid qui peuvent évoluer d’un jour sur l’autre, les entreprises n’ont que peu de visibilité.
Madame Bai, 27 ans, qui travaillait pour une entreprise américaine du secteur technologique, a été licenciée. A cause du tour de vis des autorités pour réguler les géants du numérique, son ex-employeur avait déjà «perdu de l’argent» et a préféré jeter l’éponge en quittant le marché chinois. «Ce ne sera pas le premier ni le dernier», prévient la Pékinoise, qui ne souhaite pas révéler son nom complet.
Enfer du télétravail
«Etre en télétravail, surtout dans un secteur comme le nôtre où les heures supplémentaires sont la norme, ça a encore plus brouillé la frontière entre vie professionnelle et personnelle», se désole Monsieur Ning. Ce jeune homme de 26 ans, qui ne souhaite pas révéler son prénom, travaillait à Pékin dans le service marketing d’une entreprise technologique. Il finissait normalement vers 23h. Mais à partir de la mise en télétravail le mois dernier du district pékinois où il habite, il n’arrêtait qu’après minuit et voyait ses week-ends rabotés par les heures supplémentaires. «J’étais vraiment exténué. Du coup, j’ai démissionné», explique-t-il. Depuis, il a envoyé 200 CV mais n’a obtenu que trois entretiens d’embauche. «C’est déprimant», explique-t-il. «Mais il faut bien trouver un moyen de survivre.»
Sur le seul mois de mars en Chine, quelque 1,3 million d’entités ont annulé leur inscription au registre du commerce, selon les chiffres officiels. Un bond de 24% sur un an...La stratégie sanitaire actuelle est fermement défendue par le président Xi Jinping et personne n’ose publiquement la remettre en cause. Selon les analystes, le zéro Covid devrait donc être pérennisé. Même si l’économie doit en payer le prix et si les restrictions rendent la vie insupportable pour patrons et salariés.