GenèveDes neutrinos fantômes détectés pour la première fois au CERN
Des physiciens sont parvenus à créer et à repérer ces particules à haute énergie, ce qui pourrait aider à comprendre comment les étoiles explosent en supernovæ.
- par
- Michel Pralong
Les neutrinos ne sont pas des particules rares. Elles sont même les deuxièmes particules subatomiques les plus courantes dans l’univers après les protons. À tel point que 100 milliards de neutrinos traversent chaque seconde chaque centimètre carré de notre peau.
Ces particules sont produites dans le feu nucléaire des étoiles, dans les explosions de supernova, par les rayons cosmiques et la désintégration radioactive, ainsi que, sur Terre, dans les accélérateurs de particules et les réacteurs nucléaires. Mais elles sont extrêmement difficiles à détecter parce que, comme leur nom l’indique, elles ont une charge électrique neutre et un poids quasi inexistants. Ce qui fait qu’elles n’interagissent pratiquement pas avec le reste de la matière. Pas évident donc de voir leur effet d’où ce surnom de particules fantômes.
Plusieurs expériences sont toutefois parvenues à détecter des neutrinos provenant du soleil, comme le rappelle ZME Science. Mais d’autres existent, étant eux dotés d’une très haute énergie et produits dans les explosions de supernova.
Un détecteur de neutrinos
Pour la première fois, des physiciens sont parvenus à en produire dans l’accélérateur LHC du CERN, qu’ils ont ensuite réussi à enregistrer grâce au FASER, un détecteur de neutrinos. «Nous avons découvert des neutrinos provenant d’une toute nouvelle source, les collisionneurs de particules, où vous avez deux faisceaux de particules qui se brisent à une énergie extrêmement élevée», a déclaré Jonathan Feng, physicien à l’Université de Californie à Irvine et porte-parole de l’expérience FASER dans un communiqué le 20 mars dernier.
Ces neutrinos sont la plus haute énergie jamais produite dans un laboratoire et sont similaires aux neutrinos trouvés lorsque des particules de l’espace lointain déclenchent des pluies de particules spectaculaires dans notre atmosphère. «Ils peuvent nous parler de l’espace lointain d’une manière à nulle autre pareille, a déclaré Jamie Boyd, physicien des particules du CERN. Ces neutrinos de très haute énergie dans le LHC sont importants pour comprendre des observations vraiment passionnantes en astrophysique des particules.»
Comme un film photo
Le FASER fonctionne ainsi: des plaques métalliques denses de plomb et de tungstène prenant en sandwich des couches appelées «émulsion» qui détectent la lumière. Lorsque des faisceaux de protons de haute puissance s’entrechoquent à l’intérieur du LHC, ils produisent une pluie de particules de sous-produits, dont une petite fraction de neutrinos, qui pénètrent dans système. Les neutrinos percutent ensuite les noyaux atomiques dans les plaques métalliques denses et se désintègrent en d’autres particules. Les couches d’émulsion fonctionnent de la même manière que les films photographiques à l’ancienne, réagissant avec les sous-produits de neutrinos pour imprimer les contours tracés des particules lorsqu’elles les traversent, explique ZME Science.
Les six neutrinos repérés par cette expérience ont été identifiés pour la première fois en 2021. Les physiciens ont mis deux ans pour collecter suffisamment de données pour confirmer qu’ils étaient réels.