Jeu vidéoOn recommande «Final Fantasy XVI» mais c’est compliqué
Épique, spectaculaire, incontestablement «next gen» mais aussi avec quelques mécaniques qui peuvent agacer.
- par
- Jean-Charles Canet
Vu d’un œil occidental, la franchise «Final Fantasy» a été et est toujours un jeu vidéo que seuls des artistes japonais peuvent concevoir. Et ce seizième opus qui sort ce jeudi en exclusivité (temporaire) sur PlayStation 5 ne déroge pas à la règle. Japonais, «Final Fantasy XVI» l’est jusqu’au bout des ongles et le fait que les personnages de la saga aient des traits caucasiens ne changent rien. On admire le plus souvent mais, à titre personnel, le voyage reste toujours tumultueux.
Comme le veut la tradition, «Final Fantasy XVI» part d’une feuille blanche. L’histoire, les personnages, les environnements sont neufs. Ne subsistent des précédents épisodes que quelques notes distillées dans la magnifique partition musicale et quelques spécimens du bestiaire. Il est cette fois question de Valisthea, un monde imaginaire du type médiéval fantastique, de six royaumes, tantôt alliés, tantôt en guerre ou sur le point de l’être. Il est question de quatre cristaux magiques très convoités et de «Primordiaux», soit des humains capables de se transformer en titan. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, il est question d’un mystérieux fléau qui stérilise les terres qu’il touche, aspire toute magie et exacerbe les tensions entre les royaumes.
Les prémices en quelques mots
On commence, dans la peau de Clive, l’aîné du monarque d’un des six royaumes. Dépourvu de pouvoir magique contrairement aux attentes, il n’a que ses qualités de combattant et une charge, celle de protéger Joshua, son petit frère qui, lui, a hérité du pouvoir de se transformer en Primordial. Clive est aimé de son père qui le respecte mais pas tant de sa mère qui lui préfère son cadet. Un terrible drame vient bouleverser cette dynastie et l’on retrouve Clive treize plus tard – adulte donc – passé du statut d’héritier potentiel du trône à celui d’esclave ivre de vengeance. On arrête à ce stade du préambule narratif, sachant que, à la japonaise, le récit regorge d’ellipses, de flash-forward et de flash-back, de questions sans réponses et de rebondissements parfois outrageusement téléphonés.
«Final Fantasy XVI» est bâti sur un récit composé de personnages définis par des émotions basiques (amour, haine, jalousie, rancœur, joie, tristesse…) mais dont les intrications finissent par former quelque chose d’un peu plus complexe, d’un peu plus intéressant. Leur jeu est simpliste. Là encore c’est l’art du récit à la nippone, vu et revu, dans divers animés et mangas pour plus ou moins jeune public. Chez nous, ça passe ou ça casse selon le dosage. Pour «Final Fantasy XVI» la messe n’est pas encore dite mais on ne cache pas que les clichés de la représentation des corps masculins et féminins ont tendance à nous agacer très vite: plaques de chocolat pour tous les hommes sauf pour l’obèse de service, cuir, décolleté vertigineux et déhanchements outrés pour les femmes méchantes ou torturées, tenue de petite fille sage et col fermé pour les ingénues…
Plus adulte?
Encore heureux que cet épisode soit dépourvu d’éphèbes galiciens aux cheveux peroxydés et de copains type boys band, cela fait des vacances. Encore heureux aussi que le récit soit plus «adulte» même si l’ajout de violence gore et de scènes «sensuelles» s’apparente plus à un morceau de savon mouillé glissant sur une planche de cuisine inclinée qu’à un enrichissement.
Et, pour en finir avec le récit, on constate que l’équipe de développement s’en est tenue à la vieille école: quand le joueur joue, il se déplace et combat. Quand il ne joue pas, il regarde des cinématiques. De très belles cinématiques, souvent un peu mollement montée, mais vraiment très jolies. Il y en a d’ailleurs tant au début du jeu qu’on se demande quand on aura le contrôle de manière conséquente. Plus tard, l’équilibre se fait, c’est un peu moins gênant. Mais pour l’intégration de la narration dans le gameplay, on repassera.
Au cœur du jeu, les combats
Les combats, justement, parlons-en. C’est tout de même le cœur du jeu. Clive voyage, le plus souvent à pied jusqu’au milieu du jeu. Il est généralement accompagné, de son fidèle loup apprivoisé mais aussi de partenaires humains, un (bon) gars nommé Cid en particulier. Le territoire de Valisthea n’est pas un monde ouvert mais une accumulation de territoires fléchés. Il y a une carte, des bases pour faire des emplettes, des rencontres. Aussi pour lancer la mission principale et des missions secondaires facultatives.
Il y a aussi des points de téléportation activés lorsque la région a été visitée au moins une fois. Lorsque Clive voyage d’un point A à un point B, il rencontre mécaniquement des créatures ou des ennemis humains et doit combattre. Les opposants de base passent vite par le tranchant des épées de Clive et de ses pouvoirs magiques (car finalement il en a…). Il y a ensuite des ennemis intermédiaires, plus difficiles et, en fin de mission, Clive est assuré d’être confronté à un gigantesque machin haut comme un immeuble et doté d’une interminable barre de vie. C’est à ce stade que les combats peuvent être très scriptés et réserver des coups de théâtre.
Un petit boss pour la route?
Pour notre part (subjectivement), les boss de cet acabit nous fatigue, ils sont donc une corvée. On souhaiterait que leur barre de vie descende plus vite. Et on rage quand le jeu nous fait le coup du «Bravo, vous avez vaincu machine ou machin» pour nous le remettre en pleine forme juste quelques secondes plus tard pour un deuxième couvert en arène. Mais c’est comme ça, ce qui nous gave est un grand plaisir coupable pour d’autres gamers. Donc, respect.
D’autant plus qu’on trouve ce système de combat particulièrement bien conçu. L’équipe a définitivement enterré les combats au tour par tour qui ont été très longtemps la marque de jeux de rôle nippons. Place au direct complet mais avec d’excellentes options tactiques et des combinaisons de pouvoirs maîtrisables avec un peu d’entraînement. Côté préparation de son guerrier, la maison est parvenue à concevoir et à faire cohabiter harmonieusement un système riche pour ceux qui aiment régler finement comment ils aiment combattre et un système qui automatise l’équipement du guerrier. Il n’y a donc pas de mode facile, intermédiaire ou hardcore mais des béquilles pour ceux qui le souhaitent. Sur ce coup, on estime que les développeurs ont trouvé la recette de la potion magique.
Fête pour les yeux
Entre tradition et modernité, «Final Fantasy XVI» n’en reste pas moins une réussite. Pas la réussite qui nous correspond complètement mais un jeu vidéo qui nous impressionne par des ambitions et une qualité que nous n’avions pas ressentie à ce point en parcourant l’épisode précédent. Cette production semble cohérente et déjà fort bien finie à la veille de sa sortie. C’est une fête pour les yeux et les oreilles et incontestablement un jeu qui n’est pas retenu par un devoir de compatibilité avec les consoles de précédente génération.
La version PS5 que nous avons testée propose deux modes graphiques, l’un qui privilégie la résolution, l’autre la fréquence d’images par seconde (60 idéalement). Vu les qualités esthétiques de «Final Fantasy XVI», et une fois n’est pas coutume, on a préféré le mode «Qualité graphique» au mode «Performance» sans avoir jamais à le regretter.