Catastrophe ferroviaireAprès l’accident de train en Grèce, le chef de gare devant la justice
Arrêté mercredi après la collision entre deux trains qui a fait 38 morts, le chef de gare devra s’expliquer jeudi devant la justice sur la catastrophe.
Un chef de gare accusé d’être à l’origine d’une catastrophe ferroviaire qui a fait 38 morts témoigne jeudi devant la justice à Larissa, ville de Grèce centrale la plus proche de l’accident. Cet homme âgé de 59 ans a été arrêté mercredi et poursuivi pour «homicides par négligence» et pour avoir provoqué des «blessures corporelles».
Il doit expliquer comment un train transportant 342 passagers et dix employés des chemins de fer, reliant Athènes à Thessalonique dans le nord du pays, a pu être autorisé à emprunter la même voie qu’un convoi de marchandises. Les deux trains se sont heurtés frontalement alors qu’ils se trouvaient sur la même voie depuis plusieurs kilomètres.
«La privatisation tue»
Sous la violence du choc survenu peu avant minuit, dans la nuit de mardi à mercredi dans la vallée de Tempé, les locomotives et les wagons de tête ont été pulvérisés et les conducteurs des deux trains tués sur le coup. «Tout montre que le drame est dû, malheureusement, principalement à une tragique erreur humaine», a dit mercredi soir le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, alors que la polémique enfle dans le pays sur l’état du réseau que beaucoup jugent vétuste.
Racontant avoir rencontré des proches de victimes lors d’une visite sur les lieux puis à l’hôpital de Larissa, Kyriakos Mitsotakis a indiqué: «Ils m’ont demandé ‘‘pourquoi?’’». «Nous leur devons une réponse honnête», a-t-il ajouté lors d’une brève intervention télévisée enregistrée. Il a décrété un deuil national de trois jours.
Contacté par l’AFP, le groupe public italien Ferrovie dello Stato (FS), qui contrôle la société des chemins de fer Hellenic Train, privatisée en 2017, n’a pas fait de commentaires dans l’immédiat. Des habitants ont manifesté à Larissa portant des banderoles «La privatisation tue».
«Le train de la terreur»
«C’était le train de la terreur», a déclaré aux journalistes Pavlos Aslanidis, dont le fils est porté disparu ainsi qu’un de ses amis. Le président du syndicat des conducteurs de train OSE, Kostas Genidounias, a dénoncé le manque de sécurité, selon lui, sur cette ligne qui relie les deux principales villes de Grèce. «Toute (la signalisation) est faite manuellement. C’est depuis l’an 2000 que les systèmes ne fonctionnent pas», s’est-il emporté sur la chaîne de télévision ERT.
Auparavant, il avait également assuré à l’AFP qu’«aucun système de sécurité, télécommande et feu de circulation ne fonctionnait». «C’était un train plein d’étudiants, des jeunes d’une vingtaine d’années», a déclaré à la presse Costas Bargiotas, un médecin de l’hôpital de Larissa. «C’est vraiment choquant de voir les wagons froissés comme du papier».
«C’est un cauchemar ce que j’ai vécu (…) Je tremble encore», a témoigné à l’AFP un passager, Angelos, 22 ans, sur les lieux de l’accident. «Nous avons ressenti la collision comme un grand tremblement de terre», a-t-il ajouté. «Heureusement, nous étions dans l’avant-dernière voiture et nous en sommes sortis vivants».
«Jamais rien vu de tel»
Quelque 500 personnes participaient aux secours, a précisé le porte-parole du gouvernement. De nombreux corps étaient carbonisés et certains passagers ne pourront être identifiés que grâce à des échantillons d’ADN. À Larissa, où des blessés ont été transportés, le maire, Apostolos Kalogiannis a parlé de «flots d’ambulances amenant des brûlés, des amputés, tout ce qu’on peut imaginer».
«Je n’ai jamais rien vu de tel», a dit l’un des membres des équipes de secours travaillant parmi les débris. À Larissa, les habitants ont veillé en silence avant de poser des roses blanches à la mémoire des victimes. Pour Nikos Savva, un étudiant en médecine originaire de Chypre, «un seul homme ne devrait pas payer pour tout un réseau ferroviaire malade».
«Nous connaissons depuis 30 ans quelle est la situation», a ajouté le médecin de l’hôpital de Larissa, Costas Bargiotas. Le ministre grec des Transports, Kostas Karamanlis, a présenté sa démission. S’il est reconnu coupable, le chef de gare risque, lui, la prison à vie.