Décès d’Elizabeth IIElizabeth II et Victoria, deux reines pour incarner la grandeur anglaise
Le règne d’Elizabeth II partage de nombreux points communs avec celui de son illustre arrière-arrière-grand-mère. Aucune des deux n’était pourtant destinée à monter sur le trône.
Piété, longévité, et, pour les Britanniques, un sens de stabilité face aux bouleversements de l’Histoire: le règne d’Elizabeth II partage de nombreux points communs avec celui de son illustre arrière-arrière-grand-mère Victoria. À leur naissance, ni l’une ni l’autre n’étaient destinées à hériter de la couronne, vu leur place dans l’ordre de succession. Pourtant, elles ont embrassé le rôle et, après des règnes exceptionnellement longs, ont fini par être considérées comme l’incarnation même de la grandeur britannique.
Enfant unique du prince Édouard, le quatrième fils du roi George III, Victoria ne figurait à sa naissance en 1819 qu’en cinquième position dans la ligne de succession. Mais les frères aînés de son père sont tous morts sans héritiers légitimes, laissant Victoria hériter de la couronne en 1837, à tout juste 18 ans. La jeune reine, encadrée par son Premier ministre Lord Melbourne, entreprend alors de changer le fonctionnement de la monarchie, lui insufflant une certaine vision moraliste. La morale très stricte de la souveraine reflétait tellement l’atmosphère de l’époque que les historiens ont fini par lui prêter son nom. L’ère victorienne est encore considérée comme l’apogée du Royaume-Uni.
Never explain, never complain
Le style qui caractérisait le règne d’Elizabeth II, axé sur un sens du devoir sans jamais expliquer si se plaindre («Never explain, never complain»), s’inspire directement de celui de son ancêtre, qui a régné avec sérieux sur le Royaume-Uni pendant la durée alors inégalée de 63 ans et 216 jours. «Le trône auquel Elizabeth a accédé est resté l’institution impériale qu’il était devenu dans les dernières décennies du règne de Victoria», estime David Cannadine dans «The Guardian» . Mais son règne a été marqué par «la dé-victorianisation de la Grande-Bretagne et la réduction de son empire».
Sous Elizabeth II, l’Empire britannique en cendres qui se relevait à peine de la Seconde Guerre mondiale a perdu l’essentiel de ses colonies. Un véritable défi face auquel la jeune souveraine, montée sur le trône en 1952 à 25 ans, a choisi de s’appuyer sur Winston Churchill, premier des 15 Premiers ministres qui l’auront vu régner. Car tout comme Victoria, Elizabeth n’était pas destinée à être reine, lorsqu’elle naquit en 1926.
La couronne était censée revenir à son oncle, Edouard VIII. Celui-ci monte sur le trône en 1936, mais abdique afin d’épouser Wallis Simpson, une femme deux fois divorcée. C’est alors son frère, le père d’Elizabeth, George VI, qui devient roi, et la jeune princesse devient à 10 ans héritière de la couronne.
La morale chrétienne en héritage
Elizabeth II s’est beaucoup appuyée sur la morale chrétienne, à l’instar de son aïeule. Elizabeth et Victoria partageaient «une foi chrétienne libérale et terre-à-terre, exprimée avec une piété rigoureuse mais sans prétention», estime dans le magazine «Spectator» Richard Chartres, ancien évêque de Londres. Après la mort de son époux, le prince Philip, en 2021, Elizabeth II a réduit ses apparitions, comme Victoria après la mort de son mari, le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, en 1861.
Tout comme son ancêtre, dont le nom a été donné à des villes, territoires, montagnes, lacs et bâtiments du monde entier, le nom d’Elizabeth s’est inscrit dans le paysage mondial, des vastes zones de l’Antarctique à des îles canadiennes, en passant par le plus grand navire de guerre britannique. Ultime clin d’œil: le cercueil d’Elizabeth sera porté lundi, lors de ses funérailles nationales, sur l’affut de canon utilisé pour les obsèques de Victoria.