FootballLa Suisse a peut-être trouvé la formule pour faire tomber les gros
En reproduisant une approche similaire à la victoire contre le Portugal, l’équipe nationale a fait tomber une deuxième grande nation samedi. Face à l’Espagne, son plan a fonctionné.
- par
- Valentin Schnorhk Saragosse
Peut-être faudrait-il se contenter de l’analyse de Granit Xhaka. «Pas un beau football», l’acceptation d’un recours au «plan B», «l’envie, la mentalité, la tactique»: extraits pris çà et là, qui une fois mis ensemble se conjuguent assez bien. Le succès 2-1 de la Suisse à Saragosse est celui d’une équipe qui a accepté de défendre, mais qui n’a pas voulu se renier non plus.
Parce qu’elle n’a que très peu concédé, elle n’a volé sa victoire à personne. Et elle peut même y trouver une forme de référence, au moins en termes d’attitude et de mobilisation collective. Tactiquement, aussi, il y a des choses à garder. Ne serait-ce parce que la Coupe du monde est là dans deux mois, et qu’il y aura notamment un duel avec le Brésil au programme.
Les trois enseignements
C’est une victoire pour l’histoire. Jamais la Suisse ne s’était imposée en Espagne. Son seul succès, elle le doit au Mondial 2010 et à la version caricaturale d’elle-même qu’elle avait adopté à Durban, au point de ne plus savoir comment faire autrement par la suite. Là, l’équipe nationale a accepté son sort pour ce match-là, mais elle sait ce qu’elle veut faire après. Pour l’emporter, la Suisse devait tout simplement être sérieuse, compacte quand elle défendait haut et solidaire quand elle restait basse. Et surtout maligne: quelques pertes de temps, quelques fautes importantes et surtout une gestion parfaite des coups de pied arrêtés pour inscrire deux buts sur corner. Bien maîtrisé.
Après avoir battu le Portugal à Genève et l’Espagne à Saragosse dans des styles similaires, peut-être bien que l’équipe nationale a trouvé son identité face aux grosses équipes. À savoir, un bloc qui peut être haut pour ne pas accepter de subir, mais une défense de surface suffisamment performante pour répondre aux moments les plus chauds. Le moment de match détermine la hauteur du bloc, mais il est clair que tout le temps que la Suisse peut contraindre les gros à peiner à la relance apparaît comme des secondes, voire des minutes de gagnées.
Les mots retranscris ici sont ceux de Manuel Akanji: «Je ne suis pas satisfait de ce que j’ai fait balle au pied, j’ai souvent dû jouer long.» Il était pourtant un des Suisses qui s’en sortaient le mieux dans le domaine. Parce que l’équipe de Suisse a des progrès à faire dans l’utilisation du ballon. Du temps de Vladimir Petkovic, même quand les séquences de possession se limitaient, il y avait un cadre dans lequel s’inscrire. Samedi, les idées à la relance et à la construction n’ont jamais été très claires. Ce n’est pas tout à fait un hasard que la Suisse ait marqué à la suite de deux corners. Une marge de progression à exploiter en vue du match contre la République Tchèque mardi.
Le meilleur Suisse: Manuel Akanji
L’habitude veut que l’on désigne Granit Xhaka et Xherdan Shaqiri comme les deux leaders de l’équipe de Suisse. Question de talent et d’expérience internationale, notamment. Mais peut-on désormais véritablement faire l’impasse sur Manuel Akanji? D’autant plus depuis qu’il joue à Manchester City.
En équipe de Suisse, pas de surprise: il est le leader défensif, celui qui permet à ses partenaires de la ligne arrière de paraître sous un meilleur visage. Sans surprise, il est le joueur qui a le plus éloigné le danger de la partie (6 dégagements), mais il est aussi le Suisse à avoir le plus touché le ballon.
Actif sur tous les fronts, il a même inscrit son premier but en équipe nationale et est directement impliqué sur le 2-1. Le match d’un patron. Et même si la rencontre de mardi contre la République Tchèque peut être abordée avec une certaine sérénité, on se dit que sa suspension (en raison du carton jaune écopé samedi) risque de créer un vide.
Le moins bon Suisse: Renato Steffen
Moment de rire nerveux, lorsque Renato Steffen a failli tromper Yann Sommer sur une passe en retrait en seconde période. Manuel Akanji s’en est aussi amusé plus tard, considérant que c’était l’un des moments les plus dangereux vécus par la Suisse samedi. Soit.
Sauf que la prestation du joueur de Lugano ne fait pas vraiment sourire. On lui pardonne volontiers le fait qu’il n’évolue pas à son poste de prédilection. Même si, dans certains contextes, il pourrait avoir le profil d’un latéral gauche. Mais pas contre une équipe d’Espagne qui choisit d’attaquer beaucoup de son côté, à l’image de Nico Williams.
Entré à la pause pour Ricardo Rodriguez (lequel manquait de rythme après avoir été malade le week-end dernier, mais qui devrait tenir sa place mardi), Steffen montre qu’il n’est pas par nature le latéral gauche remplaçant de cette équipe de Suisse: ses difficultés dans le un contre un se sont notamment fait ressentir. Heureusement, il y avait Akanji et Sommer en soutien.
La décla’
Le fait tactique
Deux buts sur corner dans un même match, ce n’est pas hasard. Elément de preuve supplémentaire? Le fait que Manuel Akanji soit directement impliqué à chaque fois. Les deux excellents centres rentrants de Ruben Vargas – dans des zones idéales: entre le point de penalty et les 5 mètres pour le 1-0, au premier poteau devant le premier Espagnol pour le 2-1 – ont rendu plus faciles les transformations.
Mais il ne faut pas oublier non plus «l’homme de main» de Manuel Akanji. Un certain Silvan Widmer. C’est lui qui, sur chacun des buts, fait en sorte qu’Akanji ait un avantage considérable sur son vis-à-vis. Avec une technique relativement simple et inspirée du basket: le bloc. Pour faire en sorte que toute intervention d’Azpilicueta soit plus complexe.
Sur le 1-0, Akanji a ainsi de l’espace et peut prendre le dessus physiquement sur Azpilicueta. Et sur le second but, le sprint d’Akanji au premier poteau n’est pas suivi par l’Espagnol, complètement bloqué par Widmer. Travail d’équipe.
La statistique
0,5 Expected Goals, c’est ce qu’a concédé la Suisse samedi à l’Espagne. Ce n’est rien. D’autant plus qu’avec huit tirs pour la Roja, cela signifie que cette dernière avait 6% de chance en moyenne d’inscrire un but à chaque tentative. Il faut en déduire la capacité de l’équipe nationale à quasi rien laisser à une des meilleures nations au monde.
Une question pour penser l’avenir
Après avoir battu le Portugal et l’Espagne avec une formule similaire, celle-ci doit-elle inspirer l’approche contre une équipe du calibre de la République Tchèque?
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