JusticeAprès huit ans de procédure, la France indemnise plus de 700 mineurs de charbon
Un long combat judiciaire a pris fin lundi pour 727 «gueules noires» lorraines. L’État français leur a à tous versé 10’000 euros pour les risques pris.
Après huit ans de procédure, l’État français a versé, lundi, 10’000 euros (près de 10’720 francs au change du jour) à chacun des 727 mineurs de charbon lorrains qui avaient obtenu, en janvier, la reconnaissance de leur préjudice d’anxiété pour avoir été exposés à des substances toxiques, a annoncé le syndicat CFDT mineurs. «La Banque de France vient de verser aujourd’hui, 23 août, les 7’342’700 euros octroyés aux mineurs par la Cour d’appel de Douai», s’est-il félicité.
«Enfin!» s’est exclamé François Dosso, un ancien mineur CFDT, déplorant qu’il ait fallu sept mois pour que l’État verse ces indemnités. Jean-Paul Teissonnière, l’un des avocats des plaignants, a salué «un grand succès, arraché de haute lutte», après «un long combat judiciaire». «C’est l’opiniâtreté des mineurs qui est à l’origine de cette décision face à l’inertie des pouvoirs publics», a-t-il souligné.
Les anciens mineurs des Houillères du bassin de Lorraine avaient manifesté à plusieurs reprises, cette année, pour obtenir le versement de ces indemnités, en dernier lieu le 31 juillet, devant les permanences de deux députés de Moselle.
Plus de 300 maladies
Consacrée en 2010, mais réservée jusqu’en 2019 aux travailleurs de l’amiante, la notion de préjudice d’anxiété permet l’indemnisation de personnes qui ne sont pas malades, mais redoutent de tomber malades. Depuis le début de la procédure, en 2013, 320 maladies professionnelles, pour l’essentiel des cancers et des silicoses, ont été reconnues parmi les 727 plaignants, a ainsi précisé François Dosso. «Cela confirme le risque et cela veut dire que dès 2013, ils avaient des raisons d’être inquiets.»
En janvier, la Cour avait mis en exergue l’exposition des mineurs de fond comme des mineurs «de jour» à une série de substances nocives: poussières de bois et de charbon, particules d’amiante, fumées de locomotives diesel ou encore émanations de liquides toxiques, générant «un risque élevé de développer une pathologie grave».
Elle avait estimé que l’Agent judiciaire de l’État (AJE), intervenant à la suite de la liquidation de Charbonnages de France, n’avait pas apporté la preuve que toutes les mesures avaient été prises pour protéger la santé des travailleurs. À l’audience, en septembre 2020, l’avocate de l’AJE avait assuré à l’inverse que Charbonnages de France avait mené une «politique active de prévention, eu égard aux connaissances de l’époque».
Mille euros dans un premier temps
Le combat judiciaire des anciennes «gueules noires» de Lorraine, où la dernière mine a fermé en 2004, avait commencé en 2013, devant les prud’hommes de Forbach (Moselle). Ceux-ci avaient estimé, en 2016, que Charbonnages de France avait commis une faute en les exposant à au moins deux produits dangereux.
Devant la modicité des indemnisations allouées (1000 euros chacun) et l’absence de reconnaissance d’autres substances toxiques, les mineurs avaient fait appel. Mais la Cour d’appel de Metz les avait déboutés, en 2017, de l’ensemble de leurs demandes. En 2019, la Cour de cassation avait cassé cet arrêt et pris en compte l’exposition à toutes les substances toxiques, alors que ce préjudice n’était reconnu jusque-là que pour les travailleurs de l’amiante.