Union européenneL’UE pourra priver de fonds les pays violant l’État de droit
La Cour de justice européenne a rejeté mercredi les recours de la Hongrie et de la Pologne contre un nouveau dispositif permettant à Bruxelles de sanctionner les atteintes aux valeurs démocratiques.
Bruxelles est désormais au pied du mur pour sanctionner les violations de l’État de droit, en particulier en Pologne et en Hongrie, après la validation mercredi par la justice de l’UE d’un dispositif inédit permettant de priver de fonds européens les récalcitrants.
La Cour de justice européenne, dont la décision était pour la première fois retransmise en direct, a sans surprise rejeté les recours en annulation introduits par la Hongrie et la Pologne contre ce régime de «conditionnalité». «Ce mécanisme a été adopté sur une base juridique adéquate» et «respecte les limites des compétences attribuées à l’Union, ainsi que le principe de sécurité juridique», indique notamment la Cour, dans un communiqué.
«Soutien total» du Benelux
Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a dénoncé un «élargissement des compétences» de l’UE «très dérangeant et dangereux». La Hongrie, par la voix de sa ministre de la Justice Judit Varga, a fustigé une «décision politique» liée à la loi sur l’homosexualité adoptée cet été à Budapest, très critiquée dans l’Union européenne.
Paris s’est à l’inverse félicité d’une «bonne nouvelle», tout comme Berlin pour qui cet arrêt «renforce notre communauté de valeurs». «La voie est libre pour que la Commission agisse», a tweeté le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Wopke Hoekstra, exprimant le «soutien total» de son pays, de la Belgique et du Luxembourg.
Conflits d’intérêts, corruption et juges pas indépendants
La Commission avait envoyé en novembre des lettres à la Pologne et la Hongrie exposant à nouveau ses critiques sur le respect de l’État de droit. Côté hongrois, la Commission a évoqué des problèmes de passation de marchés publics, de conflits d’intérêts et de corruption. Concernant Varsovie, sont visées les atteintes à l’indépendance des juges et la remise en cause de la primauté du droit européen et des décisions de la CJUE.
Une réaction immédiate n’est toutefois pas à l’ordre du jour: l’exécutif européen va «analyser attentivement» l’arrêt de la Cour et en tiendra compte pour adopter «dans les semaines à venir» des «lignes directrices» pour appliquer le mécanisme, a indiqué sa présidente, Ursula von der Leyen.
L’instrument le plus efficace
Le règlement permet de priver de fonds européens un pays où sont constatées des violations de l’État de droit qui «portent atteinte ou risquent de porter atteinte» aux intérêts financiers de l’UE, «d’une manière suffisamment directe». Une éventuelle suspension ou une réduction des paiements doit être endossée par au moins 15 États membres sur 27. Le mécanisme s’applique aux fonds versés dans le cadre du budget européen, qui constituent des sommes conséquentes pour ces deux pays, ainsi qu’aux plans de relance post-Covid.
Parmi les instruments à disposition de l’UE pour lutter contre les atteintes aux principes démocratiques, le nouveau dispositif pourrait s’avérer le plus efficace. La procédure de l’Article 7 du traité sur l’UE, déclenchée contre la Pologne et la Hongrie, peut aller jusqu’à priver un État de son droit de vote au Conseil mais s’est révélée en pratique impossible à mener à terme.