ThaïlandeLa candidature de Pita balayée, le pays s’enfonce dans une crise politique
Le Parlement a rejeté mercredi la candidature au poste de Premier ministre du député progressiste Pita Limjaroenrat, vainqueur des dernières élections.
Après plus de sept heures de discussions, députés et sénateurs ont interdit à Pita Limjaroenrat de se présenter une deuxième fois, après son échec jeudi dernier pour devenir chef du gouvernement. Le vote pour le Premier ministre n’a donc pas eu lieu. Après la mise à l’écart du leader progressiste, la Thaïlande se retrouve désormais sans aucun candidat déclaré.
Vainqueur des législatives du 14 mai sous la bannière du parti Move Forward, chouchou des nouvelles générations, Pita ne se faisait guère d’illusions avant ce dénouement, face à l’opposition tenace de l’establishment pro armée qu’il combat. Il est «évident que le vote du peuple n’est pas suffisant pour gouverner le pays», a-t-il assuré mercredi dans un message publié sur son Instagram. Dans un royaume pris dans l’engrenage de crises politiques depuis plus de vingt ans, son échec ouvre une nouvelle période d’instabilité.
Protestations
En fin d’après-midi, environ 300 soutiens de Move Forward faisaient face aux policiers équipés de boucliers devant le Parlement, pendant que d’autres rejoignaient un appel à se réunir devant le Monument de la démocratie, à Bangkok. Leurs protestations doivent conclure une nouvelle journée émaillée de coups de théâtre, qui a vu la Thaïlande s’éloigner d’un gouvernement issu du parti le plus populaire.
La Cour constitutionnelle a commencé en suspendant Pita de ses fonctions de parlementaire, alors qu’il assistait aux débats sur sa deuxième candidature pour devenir chef du gouvernement. «J’aimerais vous dire au revoir jusqu’à notre prochaine rencontre», a lancé l’intéressé au moment de quitter l’hémicycle, sous les applaudissements, le poing levé. «La Thaïlande a changé depuis le 14 mai, et le peuple a déjà gagné à moitié. Il reste une autre moitié», a-t-il aussi dit.
«Il y aura un retour de bâton»
Les juges de la Cour ont suivi les recommandations de la commission électorale, qui accuse le parlementaire de posséder des actions dans une chaîne de télévision au moment de la campagne, ce qui est interdit par la loi. Cette décision a infligé un coup quasi-fatal au candidat, dont les chances étaient déjà minces de former le prochain gouvernement. Pita était le seul candidat déclaré pour devenir Premier ministre, pour le moment.
Si le parti Move Forward perd à nouveau au Parlement, «il y aura un retour de bâton, c’est certain. Il y a déjà quelques manifestations, les soutiens de Move Forward se sentent floués, volés», estime l’analyste politique Thitinan Pongsudhirak. Policiers antiémeutes, conteneurs pour bloquer les accès, grillages supplémentaires… Le Parlement était au centre d’un important dispositif de sécurité durant les délibérations.
Des soutiens de Move Forward se sont amassés au fil de la journée près du bâtiment pour réclamer que leur voix soit entendue par les sénateurs. Des fumigènes orange, la couleur du parti, ont été allumés par les manifestants. «Pourquoi demander aux gens d’aller aux bureaux de vote?» s’est interrogé l’un d’eux, qui a requis l’anonymat. La dissolution de Future Forward en 2020, l’ancêtre de Move Forward, avait conduit à des manifestations massives à Bangkok réclamant plus de démocratie et de transparence.