AfriqueAu Mali, la junte reporte la présidentielle prévue en 2024
La junte au pouvoir au Mali a annoncé le nouveau report de l’élection présidentielle prévue au mois de février 2024 «pour des raisons techniques».
La junte au pouvoir au Mali depuis 2020 a annoncé lundi le report de la présidentielle prévue en février 2024, différant de nouveau le retour des civils à la tête de ce pays en proie au djihadisme et à une crise multidimensionnelle profonde. Il s’agit d’un nouvel ajournement de la part des colonels par rapport aux engagements pris sous la pression de la communauté des pays ouest-africains Cédéao.
Les dates initialement retenues du 4 et du 18 février 2024 pour les deux tours de la présidentielle «connaîtront un léger report pour des raisons techniques», a dit le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga, dans une déclaration lue à Bamako. De nouvelles dates seront communiquées «ultérieurement», a-t-il dit.
Le gouvernement renonce par ailleurs à organiser des législatives prévues à l’origine fin 2023. Il dit laisser aux futures autorités le soin d’établir un nouveau calendrier. Les autorités invoquent des facteurs liés à l’adoption en 2023 d’une nouvelle Constitution et à la révision des listes électorales, mais aussi un litige avec une société française, Idemia, impliquée selon elles dans le processus au niveau du recensement.
Cinq ans
Dans une réaction transmise à l’AFP lundi soir, Idemia assure pour sa part qu’il n’existe «pas de litige en cours» avec les autorités maliennes et qu’il n’y a «plus de cadre contractuel en vigueur» entre le groupe et le Ministère malien de l’administration territoriale et de la décentralisation, «en raison du non-paiement des factures».
Auteurs de coups d’État successifs en août 2020 et mai 2021, les militaires s’étaient d’abord engagés à céder la place à des civils élus après des élections présidentielle et législatives programmées en février 2022. Mais la junte dirigée par le colonel Assimi Goïta avait fait savoir, fin 2021, être dans l’incapacité de respecter le calendrier convenu avec la Cédéao. Elle avait même envisagé de rester jusqu’à cinq années supplémentaires.
La Cédéao avait alors infligé début 2022 de lourdes sanctions commerciales et financières qui avaient durement éprouvé le Mali, pays pauvre et enclavé. Elle les avait levées le mois de juillet suivant quand les colonels avaient consenti à partir en mars 2024, et annoncé un calendrier électoral fixant la présidentielle à février 2024.
«Tolérance zéro»
Le report de la présidentielle est un défi supplémentaire vis-à-vis de la Cédéao. L’organisation de quinze pays membres, qui proclame un principe de «tolérance zéro» pour les coups d’État, est confrontée depuis le premier putsch à Bamako à une succession de coups de force, au Burkina Faso et au Niger voisins du Mali et gagnés par l’expansion djihadiste, mais aussi en Guinée.
Au Mali, au Burkina Faso, en Guinée, les militaires se sont engagés sous la pression ouest-africaine à repasser les commandes à des civils élus à l’issue de périodes dites de «transition» de vingt-quatre mois ou plus, au cours desquelles ils mèneraient les réformes rendues indispensables à leurs yeux par la situation de leurs pays. Au Niger, dernier pays secoué par un putsch en juillet 2023, le régime a promis une transition de trois ans au maximum, sans évoquer clairement de date pour d’éventuelles élections.
La Cédéao a pris de sévères mesures de rétorsion pour forcer les militaires nigériens à rétablir le président déchu Mohamed Bazoum dans ses fonctions, et a même brandi la menace d’une intervention militaire. Presque deux mois après, cette menace est pour l’instant restée lettre morte. La Cédéao n’a pas réagi publiquement au report de la présidentielle malienne.