Guerre en UkraineLes 25 chars Léopard seront mis hors service pour l’Allemagne
Malgré l’opposition de l’UDC, le Conseil national a décidé mercredi de mettre hors service 25 chars Léopard pour les revendre à l’Allemagne.
- par
- Eric Felley
La Suisse devrait mettre hors service 25 de ses chars Léopard pour les revendre à son fabricant en Allemagne. C’est ce qu’a décidé le Conseil national ce mercredi lors du débat sur le message de l’armée 2023. L’UDC s’est fortement opposée à cette option soutenue par le Département fédéral de la défense (DDPS) et sa cheffe Viola Amherd. Au final, le plénum a soutenu la mise hors service par 132 voix contre 59 et conditionné celle-ci à la revente à son fabricant par 100 voix à 84.
Viola Amherd a rappelé que cette vente fait suite aux demandes des ministres de l‘économie et de la défense allemands, qui ont demandé ces chars au DDPS, avec la promesse qu’ils ne seraient pas transférés en Ukraine. La cheffe de la Défense a défendu un partenariat: «Cela améliore notre propre sécurité, a-t-elle plaidé. Ces chars se servent à rien à la Suisse et la Suisse a besoin de coopération internationale avec les constructeurs. Un transfert de nos chars à l’Ukraine est exclu et nous pouvons contribuer ainsi à la sécurité en Europe».
Répondant à divers intervenants de l’UDC, qui dénonçaient un affaiblissement de l’armée, la conseillère fédérale a tenu bon: «La direction de l’armée pense qu’on peut les vendre, sans mettre en péril sa capacité de défense». Elle a rappelé qu’actuellement l’armée suisse dispose de 134 chars opérationnels et de 96 chars qui ne le sont plus. Dans l’idéal, l’armée suisse aurait besoin de 168 chars opérationnels. Parmi ceux qui sont à l’arrêt aujourd’hui, 71 sont encore nécessaires à l’armée et les 25 restants peuvent être mis hors service.
«Un tour de passe-passe»
Mais pour David Zuberbühler (UDC/AR), la vente de ces chars est «un tour de passe-passe pour contourner la volonté du Parlement de ne pas autoriser la réexportation d’armes directement ou indirectement vers l’Ukraine». Selon les calculs d’un expert, la Suisse aurait besoin de 300 de ces chars: «On ne peut pas sérieusement vendre notre vaisselle de famille à l’étranger».
Les autres groupes politiques (Centre, socialiste et PLR) étaient favorables à l’opération de revente à l’Allemagne, sauf les Vert.e.s. Fabien Fivaz (V/JU) a rappelé que son groupe était pour la mise hors service, mais pas pour qu’ils se retrouvent en Allemagne, ce qui serait contraire à l’interdiction de réexporter le matériel de guerre. Mais pour Maja Riniker (PLR/AR), la vente de ces chars se justifie: «Indirectement cela peut être perçu comme un soutien à l’Ukraine, mais c’est avant tout une contribution à la sécurité en Europe». Plutôt que de les laisser «dans la naphtaline d’un hangar», selon l’expression de François Pointet (VL/VD), il vaut mieux les retourner en Allemagne.
Le Conseil des États doit encore se prononcer.
600 millions de plus
Pour le reste, la majorité bourgeoise du Conseil national a accepté toutes les demandes figurant dans le message de l’armée 2023. Il a suivi le Conseil fédéral qui demande au Parlement d’augmenter le plafond des dépenses de l’armée de 21,1 à 21,7 milliards de francs pour la période allant de 2021 à 2024. Ces 600 millions supplémentaires sont la conséquence des décisions du Parlement à la suite de la guerre en Ukraine. Ces moyens supplémentaires permettront d’acquérir davantage de chars de grenadiers à roues, des munitions pour les forces terrestres ainsi que d’élargir les capacités du nouveau système de défense sol-air Patriot, de renforcer la cyberdéfense et la modernisation du parc immobilier.
L’armée favorisée
Les intervenants de gauche et parfois les Vert’libéraux ont dénoncé l’augmentation des dépenses militaires, alors que tous les autres domaines de la Confédération sont soumis à des mesures d’économie. Pour Fabien Fivaz (V/JU): «La Confédération va devoir se serrer la ceinture dès 2024 dans des domaines clés pour l’avenir du pays. Nous allons ainsi économiser dans la formation, la recherche et l’innovation; nous allons économiser dans des domaines qui sont essentiels à notre subsistance, en premier lieu l’agriculture, et dans des domaines dans lesquels nous pouvons jouer un rôle à l’international, comme la coopération au développement. L’armée sera le seul secteur qui ne sera pas touché par les coupes, pire: son budget va augmenter».