Royaume-UniLe cap difficile des 100 jours pour Rishi Sunak, entre grèves et affaires
Au pouvoir depuis le 25 octobre, le chef du gouvernement britannique a rassuré les marchés financiers, mais mercredi, veille de son «jubilé», il affrontera une intense journée de grogne sociale.
Arrivé à Downing Street, fin octobre, le Premier ministre britannique Rishi Sunak a restauré une forme de stabilité après le mandat éclair de Liz Truss. Mais après 100 jours au pouvoir, il se trouve à la peine face à la profonde crise sociale et le retour des affaires.
Depuis la panique créée sur les marchés financiers par celle qui l’a précédé durant 49 jours au pouvoir, Rishi Sunak a rassuré les marchés, mais les mouvements sociaux pour de meilleurs salaires n’ont fait que s’aggraver. Mercredi, veille de ses 100 jours au pouvoir, les syndicats prévoient des grèves sans précédent depuis une décennie, chez les enseignants, les cheminots et les fonctionnaires. Des débrayages des infirmières et des ambulanciers sont prévus en février.
Au cœur des revendications, les salaires, alors que l’inflation dépasse les 10% au Royaume-Uni, poussant de plus en plus de Britanniques à se tourner vers les banques alimentaires. Inflexible, le gouvernement a longtemps refusé de s’impliquer dans les négociations et continue de dénoncer des revendications selon lui irraisonnables. Il veut réduire le droit de grève.
Il cherche à se démarquer de «BoJo»
Premier chef du gouvernement britannique d’origine indienne, plus jeune Premier ministre depuis deux siècles, Rishi Sunak, 42 ans, a promis «intégrité, professionnalisme et responsabilité». Une volonté de se démarquer nettement de l’ère Boris Johnson et de ses scandales à répétition. Mais sa promesse se trouve ternie par l’affaire des démêlés fiscaux du ministre sans portefeuille Nadhim Zahawi, président – un poste non électif – du parti conservateur. Voulant faire preuve de fermeté, Rishi Sunak l’a limogé dimanche.
«L’intégrité compte vraiment pour moi», a-t-il martelé lundi. Alors éphémère ministre des Finances de Boris Johnson, le richissime Nadhim Zahawi avait accepté de payer, cet été, de lourdes pénalités dans le cadre d’un accord avec le fisc. De quoi donner du grain à moudre à l’opposition travailliste, dont le chef Keir Starmer décoche ses flèches sur la «faiblesse» de Rishi Sunak et fustige la succession des affaires chez les conservateurs, quand les Britanniques «se débattent avec leurs factures, avec leur emploi, avec toutes les pressions qui résultent de treize ans d’échec» des Tories au pouvoir.
Ministres harceleurs, absence de ceinture de sécurité
Au Parlement, la semaine dernière, le chef du Labour a attaqué frontalement Rishi Sunak, le questionnant pour savoir si la tâche n’est pas «trop lourde» pour lui. Le chef du gouvernement a aussi vu sa capacité de jugement questionnée, en raison de la nomination de deux ministres ensuite visés par des accusations de harcèlement moral – l’un a démissionné – ou quand il a renommé ministre de l’Intérieur Suella Braverman, qui avait démissionné une semaine plus tôt, sous Liz Truss, pour l’envoi de documents officiels depuis une adresse mail privée.
S’y est ajouté le «Seatbeltgate», qui a valu à Rishi Sunak une amende, car il ne portait pas sa ceinture de sécurité dans une vidéo où il vantait avec entrain sa politique de rééquilibrage territorial. Un épisode fâcheux accompagné d’excuses contrites qui a ravivé le souvenir de l’amende infligée à Rishi Sunak, dans le scandale du «Partygate», pour avoir été présent lors d’un rassemblement pour l’anniversaire de Boris Johnson, en violation des règles anti-Covid.
Six Britanniques sur dix ont une opinion défavorable de Sunak
En force dans les sondages, l’opposition travailliste dispose de 20 points d’avance, à moins de deux ans des prochaines législatives. La cote de popularité de Rishi Sunak est, elle, en berne, 60% des Britanniques ayant une opinion défavorable de lui, selon un sondage YouGov à l’approche de l’échéance des 100 jours.
Peut-il remonter la pente? Lançant en tout début d’année «cinq promesses» – réduction de l’inflation, croissance, réduction de la dette, réduction des listes d’attente du système de santé public et lutte contre l’immigration illégale – Rishi Sunak a laissé nombre d’observateurs sur leur faim. «Sunak a peut-être hérité d’un cadeau empoisonné, mais il disposait d’une réelle opportunité pour amorcer d’importants changements au sommet», estime le politologue Tim Bale, de Queen Mary University. «Mais un coup d’œil rapide aux sondages après ses 100 premiers jours suffit à conclure qu’il a échoué.»