Une découverte genevoise donne un espoir contre l’obésité

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MédecineUne découverte genevoise donne un espoir contre l’obésité

Des scientifiques de l’UNIGE ont constaté que la taille de l’intestin change suivant la quantité de nourriture absorbée. Ceci via une protéine qui pourrait être désactivée.

Michel Pralong
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Michel Pralong
Plus on mange, plus l’intestin se modifie pour absorber plus efficacement les calories. Un processus qui est toutefois réversible.

Plus on mange, plus l’intestin se modifie pour absorber plus efficacement les calories. Un processus qui est toutefois réversible.

Getty Images/iStockphoto

L’obésité résulte essentiellement d’un déséquilibre entre la dépense énergétique et l’absorption de calories. Si l’on ne brûle pas suffisamment ces dernières, on prend du poids. 40% de la population mondiale est en surpoids et plus de 10% est carrément obèse. L’une des pistes pour comprendre comment l’humain grossit passe donc par l’intestin.

C’est en effet là que les aliments préalablement décomposés sont absorbés avant de passer dans la circulation sanguine pour être distribués dans tout le corps. Et pour absorber suffisamment de calories, la paroi intestinale est recouverte de millions de circonvolutions appelées villosités et microvillosités qui, mises bout à bout, couvriraient la surface d’un terrain de football, explique l’Université de Genève dans un communiqué.

L’étonnante plasticité intestinale

«Il y a quelques années, nous avions découvert que l’intestin pouvait s’allonger ou se raccourcir en fonction des facteurs environnementaux et des besoins physiologiques», se souvient Mirko Trajkovski, professeur au Département de physiologie cellulaire et métabolisme et au Centre du diabète de la Faculté de médecine de l’UNIGE. L’exposition au froid pouvait par exemple être l’un de ces stimuli externes qui modifiait la longueur de l’intestin.

Mais comment fonctionne cette plasticité intestinale? Les chercheurs ont découvert, en utilisant des souris et des modélisations en 3D de l’intestin humain, que la nourriture consommée est le principal facteur de changement de taille de l’intestin. «Nous avons observé une réponse relativement rapide et physiologiquement impressionnante en cas d’augmentation de la quantité de nourriture ingérée: l’intestin s’allongeait alors de plus de 30% et était associé à une croissance notable de la taille des villosités et des microvillosités», explique Mirko Trajkovski, principal auteur de l’étude parue ce 2 décembre dans «Nature Communications». Le fait que ces villosités grossissent aussi, comme on peut le voir ci-dessous, permettait ainsi d’absorber plus efficacement des calories.

Coupes d’intestin de souris. En haut, circonférence normale de l’intestin (en noir) et villosités (en rose). En bas, intestin élargi après une obésité induite par une suralimentation, avec une circonférence plus grande et des villosités plus longues.

Coupes d’intestin de souris. En haut, circonférence normale de l’intestin (en noir) et villosités (en rose). En bas, intestin élargi après une obésité induite par une suralimentation, avec une circonférence plus grande et des villosités plus longues.

Mirko Trajkovski

Ce qui est également très intéressant, c’est que le processus est réversible. Si l’on absorbe moins de nourriture, la longueur et la morphologie de l’intestin reviennent presque à la normale. Les scientifiques ont également constaté que l’augmentation de la surface d’absorption intestinale mobilise différents mécanismes qui permettent aux cellules de transformer les aliments en énergie. L’un d’eux, appelé la voie PPARα, s’est avéré absolument indispensable. En effet, la protéine PPARα semble contrôler à la fois l’augmentation de la longueur des villosités et la capacité d’absorption calorique. Elle élève le niveau d’une autre protéine, nommée PLIN2, qui, en favorisant la formation de gouttelettes de lipide dans les cellules intestinales, facilite l’absorption des graisses.

Réduire la capacité d’absorption de l’intestin

Ce mécanisme a pu être confirmé en inactivant PPARα dans l’intestin des souris. «Son inhibition pharmacologique entraîne en effet une nette réduction de la capacité d’absorption de l’intestin et a permis d’inverser l’accumulation de graisse et l’obésité causée par une alimentation très calorique», indique Mirko Trajkovski.

Cela pourrait donc constituer une alternative intéressante au by-pass gastrique (opération chirurgicale consistant à réduire le volume de l’estomac et à modifier le circuit alimentaire) ou à d’autres interventions irréversibles qui visent à réduire la prise de poids et les complications liées à l’obésité. Mais rendre inactif PPARα pourrait s’avérer délicat. Cette protéine «joue un rôle-clé dans beaucoup de fonctions métaboliques, et est exprimée dans de nombreux tissus. Avant que nos découvertes puissent être proposées aux patients, il nous faudra donc trouver le moyen de l’inhiber dans l’intestin uniquement sans toucher aux autres organes». Cela reste toutefois une piste de recherche sérieuse et prometteuse.

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