Réforme LPPPierre-Yves Maillard: «Ça coûte toujours plus cher et les rentes baissent»
Le président de l’Union syndicale suisse annonce déjà un référendum contre la réforme du 2e pilier. Qui pourrait aussi avoir du soutien à droite.
- par
- Eric Felley
Président de l’Union syndicale suisse (USS), Pierre-Yves Maillard (PS/VD) se dit très déçu de l’issue de la réforme du deuxième pilier (LPP), qui arrive à bout touchant aux Chambres fédérales. Pour lui celle-ci est «ratée» et le peuple tranchera. Selon ses chiffres, il en coûtera 2,5 milliards de francs de prélèvements supplémentaires à l’économie et aux salariés. «C’est la poursuite de ce qu’on connaît dans le deuxième pilier depuis bientôt quinze ans, observe-t-il. Ça coûte toujours plus cher et les rentes baissent. C’est la fuite en avant dans cette logique. Avec des capitaux qui s’accumulent à des niveaux stratosphériques. On est maintenant à plus de 1000 milliards, il y a vingt ans on était à 500 milliards. Donc on a doublé les capitaux accumulés, alors que les prestations baissent».
Pour lui, cette réforme est socialement injuste: «Ces 2,5 milliards sont très inégalement répartis: les branches qui vont essentiellement payer, ce sont celles qui ont déjà des situations difficiles, comme l’agriculture, la restauration, le tourisme, le nettoyage, la coiffure. Si on veut améliorer leur rente avec la logique de l’épargne individuelle, c’est alors très cher pour les salariés concernés et leurs employeurs».
Ponctionner les bas revenus
La réforme veut abaisser le seuil d’entrée dans la LPP et permettre à davantage de bas revenus de cotiser et d’améliorer leur retraite. Sur le principe, Pierre-Yves Maillard n’est pas contre, mais il conteste la manière: «Quand on élargit vers le bas le salaire assuré, on fait d’une année à l’autre un prélèvement qui est vraiment très fort. Des gens, qui ont déjà peu, vont se retrouver avec une baisse de salaire nette, qui dans certains cas ira jusqu’à 5 ou 6%. On peut dire que c’est de l’épargne, on les force à épargner, mais enfin ils épargneraient volontiers s’ils en avaient les moyens. Après on la leur rendra sous forme de rentes. C’est là qu’il y a un problème. Cela sera forcément des rentes modestes même avec cette réforme. Et, dans notre système de retraite, quand on est aux prestations complémentaires, cette rente n’a aucun impact sur le revenu. Et si elle vous fait tout juste passer au-dessus de la limite pour obtenir ces prestations, alors vous vivrez encore plus mal, parce que vous êtes dans le trou de l’effet de seuil».
Un compromis torpillé par la droite
Ce défaut de solidarité dans cette réforme de la LPP rend particulièrement amer le Vaudois: «On avait trouvé une solution de compromis avec l’Union patronale suisse, reprise par le Conseil fédéral. L’élément fort de ce compromis était une contribution de solidarité de 0,5%, soit 0,25% pour les salariés, 0,25% pour les employeurs, qui auraient été prélevés jusqu’à 860’000 francs de revenus. On allait chercher des ressources chez les plus hauts revenus, pour justement financer ce supplément de rentes. Cela aurait permis d’atteindre l’objectif d’éviter toute baisse de rente pour la classe moyenne et d’améliorer les rentes des revenus modestes. Malheureusement les partis bourgeois, PLR Centre et UDC, n’ont pas supporté cette idée. Et donc, ils l’ont sortie du dispositif».
Vers un référendum avec des patrons
Le président de l’USS ne fait pas mystère: «Bien sûr que l’on va faire un référendum, on ne peut pas laisser passer ça. Nous avons d’excellentes raisons de le faire, parce que ça coûte plus cher pour les bas salaires, dont la situation ne s’améliore pas franchement, et que la classe moyenne subit une baisse de rentes. Ce qui est particulièrement inédit c’est que l’on voit déjà que l’Union suisse des paysans, GastroSuisse ou le Centre patronal vaudois, toute une série de milieux patronaux, "qui disent: qu’est-ce qu’ils nous ont fabriqué là!" Et qui rejoignent le camp du non».