Procès du 13 novembreFrançois Hollande défend sa «guerre» contre l’État islamique
«On nous a fait la guerre, nous avons répondu»: entendu comme témoin au procès des attentats du 13 novembre 2015, l’ancien président français a justifié sa politique étrangère au Moyen-Orient.
Droit à la barre de la Cour d’assises spéciale de Paris, costume sombre sur chemise blanche, François Hollande a raconté son 13 novembre et explicité les décisions prises «lors de cette nuit funeste», mais aussi celles des mois qui l’ont précédée et suivie.
Dans une salle d’audience comble, l’ex-chef de l’État a promis de «répondre à toutes les questions» des parties civiles, notamment sur d’éventuels ratés des autorités et l’incapacité de la France à déjouer un attentat de grande ampleur. Assurant «mesurer la souffrance des victimes» et comprendre «leur demande de vérité», le témoin – cité par l’association Life for Paris, partie civile – certifie: «Hélas, nous n’avions pas l’information qui aurait été décisive pour empêcher les attentats.»
«Chaque jour sous la menace»
Depuis les attaques de janvier 2015, «chaque jour nous étions sous la menace. Nous savions qu’il y avait des opérations qui se préparaient, des individus qui se mêlaient aux flux de réfugiés, des chefs en Syrie. Nous savions tout cela», a développé François Hollande. «Mais nous ne savions pas où, quand et comment ils allaient frapper», a-t-il insisté à plusieurs reprises.
Sans un regard vers le box des accusés à sa gauche, l’ancien président de la République a répondu aux explications du principal accusé, Salah Abdeslam, qui a justifié, au début du procès, les attentats comme une riposte à l’intervention militaire française en Syrie. «On nous a fait la guerre, et nous avons répondu», a martelé François Hollande.
L’État islamique «nous a frappés non pas pour nos modes d’action à l’étranger, mais pour nos modes de vie ici même», a encore souligné François Hollande, pour qui «la démocratie sera toujours plus forte que la barbarie».
«Préparé bien avant»
À l’aise devant la cour, il a rappelé que les frappes françaises en Syrie n’ont débuté que le «27 septembre» 2015 – «ce qui veut dire que le commando s’était préparé bien avant», soutient-il. Poussé par la défense de Salah Abdeslam à s’expliquer plus en profondeur sur l’intervention militaire française contre le groupe État islamique, François Hollande finira pourtant par montrer un certain agacement.
«Est-ce que les frappes françaises ont pu causer des victimes collatérales en Syrie et en Irak?» a demandé Olivia Ronen. «Quel est le sens de votre question?» a répondu François Hollande. «Vous voulez établir un lien entre ce que nous faisons et les attaques», a insinué le témoin, qui a dit ne pas avoir «eu connaissance de victimes collatérales». Me Ronen l’a relancé: «Donc, il n’y a pas eu de victimes collatérales?» Et l’ex-président de perdre patience. «Essayez de m’écouter», «je ne peux pas être plus précis, nous faisons en sorte qu’il n’y en ait jamais.»
«Une espèce de refrain»
Le nom de l’ancien président était revenu plusieurs fois depuis le début du procès, le 8 septembre, et dans la bouche même des djihadistes du Bataclan: un enregistreur laissé dans la salle de spectacle avait capté toute l’attaque et les revendications des assaillants. «Vous ne pouvez vous en prendre qu’à votre président, François Hollande», entend-on plusieurs fois, entre deux tirs, dans cet extrait diffusé fin octobre devant la Cour.
«Avez-vous écouté cette bande audio, comment l’avez-vous vécue?» demanda à l’ex-chef de l’État l’avocat de Life for Paris, Me Jean-Marc Delas. «Cela ressemblait à une espèce de refrain, comme si c’était une signature», a commenté François Hollande. «Un message» pour nous «faire renoncer à nos interventions en Irak et en Syrie» et pour que «s’installe une rupture, une guerre de religion» entre les Français.
«Je ferais exactement la même chose aujourd’hui»
Le fait que son nom soit prononcé dans les revendications l’a fait réfléchir à sa propre responsabilité, a souligné l’ancien président. Mais, a-t-il affirmé, l’air grave, «je ferais exactement la même chose» aujourd’hui. «Je le dis devant les parties civiles qui souffrent, ceux qui ont perdu des êtres chers. C’est la France, nous le devions aux populations qui se faisaient massacrer».
Au terme de près de quatre heures d’audition, le président de la Cour a remercié François Hollande. Dans le box, Salah Abdeslam s’est levé, mais le magistrat est immédiatement intervenu: «Non, non, Monsieur Abdeslam, si vous avez des questions, vous passez par vos conseils.» Et le principal accusé de se rasseoir. L’audience reprendra mardi, avec les auditions de chercheurs et universitaires.