Procès de l’attentat de NiceL’ancien procureur antiterroriste remet en cause l’autopsie des victimes
À la barre, François Molins a affirmé lundi que la décision, dénoncée par les familles, de prélever la totalité des organes des morts de l’attentat du 14 juillet 2016 «ne se justifiait pas».

François Molins, ancien procureur antiterroriste français, a reconnu lundi, lors du procès de l’attentat de Nice, que les autopsies de certaines victimes ont été poussées trop loin.
AFPL’ancien procureur antiterroriste français François Molins a estimé lundi, au procès de l’attentat du 14 juillet 2016 en France, que le choix fait par les médecins légistes de prélever l’entièreté des organes de certaines victimes «ne se justifiait pas», tout en défendant la nécessité des autopsies pour les besoins de l’enquête. Après l’attaque, plusieurs familles s’étaient vivement émues en constatant que des victimes avaient été dépouillées de leurs organes lors des autopsies, sans qu’elles en soient prévenues.
«Mon sentiment, c’est que le prélèvement de la totalité des viscères n’était pas indispensable», a déclaré devant la Cour d’assises spéciale de Paris celui qui est aujourd’hui procureur général près la Cour de cassation, l’un des plus hauts magistrats français. «Si c’était à refaire, il n’y aurait pas eu de prélèvements systématiques», a-t-il ajouté, reconnaissant aussi des insuffisances dans l’information aux familles.
Un sujet douloureux
Après l’attaque du 14 juillet 2016 au camion-bélier sur la promenade des Anglais à Nice (sud de la France), qui a fait 86 morts et plus de 450 blessés, des autopsies ont été pratiquées sur les corps de quatorze victimes, dont quatre enfants, avait expliqué au début du procès l’ex-directeur de l’institut médicolégal (IML) de Nice, Gérald Quatrehomme.
«J’ai conscience que c’est un sujet douloureux pour les victimes», mais «on ordonne une autopsie non pas pour faire de la peine mais parce qu’on en a besoin», a fait valoir François Molins, en tant que procureur de Paris alors chargé de toutes les enquêtes en matière de terrorisme. Ce n’est pas parce qu’«après coup l’autopsie n’a servi à rien qu’on peut inférer qu’il ne fallait pas l’ordonner».
Familles pas informées
Sur chaque corps autopsié, des organes ont été prélevés et placés sous scellés, au cas où des analyses complémentaires seraient nécessaires à l’enquête, avait expliqué le Pr Quatrehomme. La majorité des familles concernées n’ont pas été informées de ces actes et ne les ont appris que lors de la procédure, voire à l’audience, ont rappelé à la barre de nombreuses parties civiles dans des témoignages déchirants.
«Je cherche à comprendre comment le système médico-judiciaire a pu en arriver à une telle absurdité: découper ma fille de 12 ans en morceaux pour déterminer qu’elle est décédée d’un «polytraumatisme compatible avec la percussion avec un engin à haute cinétique». Tout ça pour ça. Mais on le savait déjà!» avait ainsi déclaré à la barre Anne Gourvès.
Test ADN refusé
En 2018, elle avait découvert «avec effroi un procès-verbal de mise sous scellés d’organes». Elle avait dressé la liste des organes prélevés sur le corps de sa fille Amie: encéphale et dure-mère, coeur, foie, poumons, reins, bloc cervical, glandes surrénales, rate… Anne Gourvès a fait une demande de restitution des organes, assortie d’un test ADN qui lui a été refusé. Un document médical (qui évoque une personne de sexe féminin âgée d’une vingtaine d’années) l’a même fait douter du fait qu’il s’agissait bien de ceux de sa fille.
Pour ces cas, «je ne vois pas d’autres solutions que de faire des analyses ADN pour restituer ces organes aux familles», a déclaré François Molins, précisant qu’il s’exprimait en son nom, et déclenchant quelques applaudissements dans la salle d’audience. L’audience devait se poursuivre lundi après-midi avec les témoignages de l’ancien président français, François Hollande, et de son ministre de l’Intérieur de l’époque, Bernard Cazeneuve.