GéopolitiqueJoe Biden face au défi de l’alliance Poutine-Xi Jinping
Les chefs d’État russe et chinois ont profité vendredi de l’ouverture des JO pour parader face à leur ennemi commun: les États-Unis. Washington va devoir gérer un double front.
Le premier défie les États-Unis en Ukraine et réclame un nouvel équilibre géopolitique en Europe, le second conteste sa suprématie mondiale: Vladimir Poutine et Xi Jinping défient ouvertement le président Joe Biden en affichant des convergences stratégiques parties pour durer.
Les chefs d’État russe et chinois ont profité vendredi de l’ouverture des Jeux olympiques de Pékin pour parader face à leur rival commun, imposant à Washington la gestion d’un double front. Les médias officiels chinois ont insisté sur la relation «personnelle» qui les unit.
Depuis 2013, ils «se sont rencontrés à environ trente reprises dans diverses occasions, ce qui est rare dans la diplomatie mondiale», écrivait jeudi le média d’État «Global Times». «Les deux ont vécu quelques moments intimes avec de la vodka, du caviar et de la glace russe, en célébrant leurs anniversaires respectifs».
Outre une conception solitaire du pouvoir – quand ses prédécesseurs adoptaient une approche plus collégiale – Xi a pour volonté, selon Steve Tsang, professeur au SOAS China Institute à l’Université de Londres, «de rendre le monde sûr pour l’autoritarisme». Et tous deux se retrouvent dans leurs ambitions de «défier l’ordre mondial dominé par les États-Unis».
Moscou ose prendre des risques et Pékin apprécie
Cela leur impose de mettre de côté – au moins temporairement – leurs différends bilatéraux, notamment les désaccords territoriaux dans l’Extrême-Orient russe et l’expansion de l’influence chinoise dans les ex-républiques soviétiques d’Asie centrale.
En revanche, «ils s’aideront mutuellement sur des principes généraux plutôt que des objectifs précis», assure Steve Tsang, selon lequel Poutine pourrait demander de l’aide à Pékin en cas de sanctions occidentales.
Côté russe, le voyage de Poutine lui permet d’asseoir une stature renforcée par les tensions avec l’Ukraine. «Xi ne pourrait pas provoquer Biden ni l’Europe de cette façon», explique l’amiral Pascal Ausseur, directeur de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques. «Et Poutine a montré à Xi qu’il savait prendre des risques géopolitiques et militaires. Pékin a dû apprécier la démonstration.»
Plus d’actions concertées
«C’est dans l’intérêt stratégique de Poutine aujourd’hui de rendre le partenariat Russie-Chine bien plus beau qu’il ne l’est, leurs actions mieux coordonnées et leurs objectifs soigneusement alignés», confirme Anton Barbashin, expert de la Russie du think-tank Riddle, à Glasgow.
«La Russie et la Chine placent la souveraineté au-dessus de tout, donc une alliance serait un mot trop fort», précise-t-il. «Mais nous allons voir plus d’actions concertées dans les relations internationales», ajoute-t-il, insistant sur le fait que cet affichage bilatéral ne vaut essentiellement que face au rival américain. L’administration Biden va pour autant devoir faire preuve d’une grande vigilance.
«Il est important pour les États-Unis d’empêcher la Russie et la Chine de tenter de reformater les organisations internationales en fonction de leurs visions du monde et idéologies respectives», écrivait en janvier la politiste Stephanie Pezard pour le think-tank américain RAND corporation.
Et si Washington devait être tenté par le repli sur lui-même, «la Russie et la Chine pourraient être tentées de combler le vide», soulignait-elle.