Votations du 13 févrierLa santé des jeunes contre l’intérêt des cigarettiers
Les jeunes doivent-ils être mieux protégés contre les incitations à fumer? C’est l’objectif de l’initiative antitabac, qui oppose les milieux de la santé aux intérêts économiques d’une branche influente en Suisse.
- par
- Eric Felley
«Le tabac est mauvais pour la santé…», «Plus le tabagisme commence tôt, plus les conséquences sur la santé sont néfastes…», «Un quart des jeunes de 17 ans fume occasionnellement ou régulièrement». Les arguments ne manquent pour les partisans de l’initiative antitabac soumise au vote le 13 février. La Ligue suisse contre le cancer et la Ligue pulmonaire, des associations pour la jeunesse et le sport ainsi que de nombreuses organisations soutiennent ce texte intitulé: «Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac». Rappelons que la Suisse a une des législations les moins contraignantes d’Europe en matière de lutte contre le tabagisme.
Un lien direct entre publicité et consommation
Selon les initiants, la publicité pour le tabac ou la cigarette électronique doit être interdite là où des enfants ou des adolescents peuvent la voir, par exemple dans la presse, sur des affiches, sur internet, au cinéma, dans les kiosques ou lors de manifestations. Toujours selon eux, de nombreuses études établissent un lien direct entre la publicité et la consommation de tabac. Restreindre la publicité, c’est donc se donner une chance d’éviter que des jeunes se mettent à fumer. Ils constatent aussi que les expériences faites dans certains pays européens montrent ces restrictions publicitaires provoque une diminution du tabagisme chez les jeunes.
Une initiative qui «porte atteinte à la liberté du commerce»
Face à cette problématique, le Parlement et le Conseil fédéral estiment cependant que l’initiative est trop restrictive. Lors de la présentation de cette votation, le 9 décembre dernier, Alain Berset a rappelé que le tabagisme causait quelque 9500 décès par année, que la Suisse comptait 2 millions de fumeurs, dont la majorité avait commencé avant 18 ans. Un peu emprunté, le ministre de la Santé a rappelé que le Conseil fédéral aurait souhaité une réglementation plus restrictive. Au final, c’est la majorité bourgeoise du Parlement qui a imposé ses vues, afin de contrer «une atteinte à la liberté du commerce, qui ne tient pas assez compte de l’intérêt des entreprises, des manifestations culturelles et sportives, qui profitent de la publicité ou des parrainages de l’industrie du tabac».
Une industrie du tabac très bien implantée
En Suisse, quand on parle des «entreprises», on parle des principaux producteurs mondiaux, les grands cigarettiers. Philip Morris a son siège à Lausanne et son centre de recherche et développement à Neuchâtel. Japan Tobacco International a son siège social à Genève. Enfin British American Tobacco a son siège et une usine de production à Boncourt, dans le Jura. Ces sociétés sont donc bien implantées dans le pays et exercent un lobbying depuis longtemps sur les élus et les élues. Ceci explique cela.
Un contre-projet qui manque la cible des jeunes
Ainsi est né au Parlement un contreprojet indirect à l’initiative sous la forme de quelques modifications modestes de la loi sur le tabac. Des limitations de publicité sont prévues sur les affiches, les cinémas, les terrains de sport, les trains, les trams ou les bus. Mais, selon Grégoire Vittoz, directeur d’Addiction Suisse, elles manquent la bonne cible: «La loi n’interdit en fait que la publicité qui n’a aucun impact sur les jeunes. Elle continue d’autoriser la publicité pour les produits du tabac dans les endroits où ils se trouvent, notamment dans les festivals, la presse gratuite, sur internet et dans les kiosques».
Les camps politiques
Au Parlement, l’initiative a été rejetée par 101 contre 88 au Conseil national et par 29 voix à 14 au Conseil des États. Les représentants de l’UDC, du PLR et du Centre en grande majorité ont voté contre l’initiative et pour le contre-projet indirect. Le PS; les Verte.e.s et les Verts libéraux ont soutenu la position inverse.
Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site de l’Administration fédérale.