CinémaLouis de Funès est mort il y a 40 ans: le top 10 de ses films
L’extraordinaire comédien, disparu le 27 janvier 1983, nous a laissé un formidable héritage cinématographique. Petit classement totalement subjectif de ses meilleures comédies.
- par
- Laurent Siebenmann
Le 27 janvier 1983, l’immense Louis de Funès quittait cette bonne vieille planète. Il avait 68 ans. Et, surtout, rendait des millions de fans bien tristes. Superstar du cinéma français, le comédien aux succès phénoménaux nous laissait, heureusement, une filmographie riche en comédies réjouissantes.
Quarante ans pile plus tard, son aura n’a cessé de grandir. Volontiers mésestimé à l’époque par le monde culturel, il est devenu aujourd’hui une icône indémodable et même rassurante. Ainsi, durant la crise Covid, la diffusion de ses films à la télévision, en plein confinement, a apporté de la joie, du réconfort au public, sondages à l’appui. Johnny Depp lui-même tient De Funès pour l’un des plus grands acteurs du monde, sorte de Chaplin moderne, comme il l’expliquait dans le magazine «Première».
Alors, pour le célébrer en ce jour, l’auteur de ces lignes – grand fan de De Funès devant l’Eternel – vous propose un top 10 de ses films immanquables. Un classement forcément subjectif, parfaitement assumé (on aurait pu y inclure «Le Tatoué», «Le grand restaurant», «Jo», «La traversée de Paris» ou «Pouic Pouic» mais il a fallu faire des choix).
10. «La folie des grandeurs» (1971)
Après «Le Corniaud» puis «La grande vadrouille», le duo Bourvil-De Funès devait se reconstituer une troisième fois, toujours devant la caméra de Gérard Oury. Las, la mort prématurée du grand André n’a pas permis ces retrouvailles. Et, sur une idée de Simone Signoret, c’est Yves Montand qui finalement donne la réplique à Louis. Dans cette libre adaptation de «Ruy Blas», De Funès incarne Don Salluste de Bazan, ministre corrompu du roi d’Espagne Charles II. Le comédien apporte toute sa fourberie au personnage. En costume, Fufu apparaît un peu engoncé, moins pêchu. Mais son pouvoir comique atteint des sommets dans plusieurs scènes, telle celle de son réveil au son de pièces d’or – «Il est l’or de se lever, Monseignor». La musique du long-métrage, très pop, est signée Michel Polnareff. Une curiosité.
9. Les aventures de Rabbi Jacob (1973)
«Ce tournage m’a fait du bien. Il m’a en quelque sorte un peu décrassé l’âme», disait Louis de Funès, à propos de son ultime collaboration avec Oury. C’est vrai que cette histoire d’entrepreneur raciste, Victor Pivert, qui se retrouve confronté à un règlement de compte entre terroristes d'un pays arabe et qui, pour semer ses poursuivants, se déguise en rabbin, a les allures d’un conte réunificateur. Si quelques gags restent très efficaces, comme la scène dans l’usine de chewing-gum, la danse de Rabbi au son de la musique de Vladimir Cosma et quelques dialogues bien troussés («Comment Salomon, vous êtes juif?»), le rythme n’est pas aussi soutenu que dans d’autres films de De Funès. L’acteur sortira exténué du tournage. Quelques mois plus tard, un terrible double infarctus le mettra à terre, pendant de nombreux mois.
8. «Le gendarme à New York» (1965)
Louis de Funès retrouvait, pour la seconde fois, l’uniforme de Ludovic Cruchot. Toujours entouré par Geneviève Grad, Michel Galabru, Christian Marin, Guy Grosso, Michel Modo, Jean Lefebvre, on sent que le comédien monte en puissance dans ce rôle qui lui convient parfaitement bien. Sans prétention, «Le gendarme à New York» invite au rire, tout en voyageant à bord du paquebot «France» et aux Etats-Unis. Les gags s’enchaînent (la leçon d’anglais, les déambulations dans les couloirs du bateau, l’entrecôte, l’affrontement façon «West Side Story») sans temps mort, accompagnés par la musique primesautière de Raymond Lefebvre. A certains moments, on n’est pas loin du dessin animé, tant De Funès semble tout droit sorti d’un cartoon. Mais le meilleur est à venir…
7. «Oscar» (1967)
Adaptation d’une pièce à succès dans laquelle Louis de Funès avait déjà brillé, «Oscar» est une comédie surprenante car se déroulant à huis-clos, dans la maison d’un richissime chef d’entreprise, Bertrand Barnier, dont l’un des jeunes comptable, Christian Martin (Claude Rich), va tenter de l’escroquer habilement, tout en demandant la main de sa fille! Pour la première fois, choisie par l’épouse de l’acteur vedette, Claude Gensac incarne la femme de De Funès à l’écran. Ce dernier trouve en sa nouvelle partenaire une complice parfaitement au diapason de sa folie. Il la voudra dans quasi tous ses autres films. Fufu fait preuve d’un abattage époustouflant, porté par un texte ciselé, rempli de quiproquos hilarants et de scènes cultes, comme celle où Barnier pète les plombs face à une valise qui n’est pas remplie comme il l’espérait. Les prises de vues n’ont pas été faciles, De Funès se brouillant avec Rich et le metteur en scènes Édouard Molinaro.
6. «Hibernatus» (1969)
Malgré une première expérience difficile (lire ci-dessus), Molinaro et De Funès remettent la compresse avec «Hibernatus», l’histoire d’une homme découvert congelé dans le grand Nord et qu’il s’agit de réveiller sans le brusquer. Il est placé chez sa famille d’origine… 65 ans après son départ. Ses descendants sont priés par les scientifiques de lui faire croire qu’il vit toujours à la même époque. Avec ce film, l’on gagne gentiment les meilleurs films de Louis. D’abord, le scénario est plutôt malin. Ensuite, «Hibernatus» s’ouvre sur une scène géniale durant laquelle De Funès, qui s’adresse à des clients, est constamment gêné par son maître d'hôtel (fabuleux Paul Préboist) qui lui passe devant. Bernard Alane, Michael Lonsdale, Olivier de Funès et Claude Gensac complètent une distribution brillante qui, manifestement, prend un malin plaisir à dérider les zygomatiques des spectateurs, avec un abattage formidable. Dommage que le film souffre d’un petit ventre mou, en milieu de récit.
5. «Le Corniaud» (1965)
Forcément, un classique. Première réunion de Bourvil et De Funès, cette comédie de Gérard Oury est une pépite. On y voit un brave gars, Antoine Maréchal (Bourvil, donc), se voir offrir par le fourbe Léopold Saroyan (Fufu) de conduire une rutilante Cadillac décapotable, de Naples à Bordeaux. Ce que le pauvre Maréchal ne sait pas, c’est que ce véhicule est rempli d’or volé, de drogue et d’un diamant, volé lui aussi, à la valeur inestimable. Tout au long de son périple, le gentil naïf est suivi et surveillé par ce brigand de Saroyan. L’alchimie entre les deux comédiens est totale. Le doux rêveur et le petit teigneux se complètent parfaitement, se renvoyant la balle au millimètre. Ce qui n’était pas gagné, puisque Bourvil était adepte d’une prise unique, là où De Funès se bonifiait au fil des enregistrements. Mais Oury est parvenu à parfaitement diriger son duo. Si la facture un peu académique de la mise en scène contraste singulièrement avec la folie des interprètes, on ne se lasse pas de revoir ce brillant «Corniaud». A noter qu’au moment du tournage du film, Bourvil était une vedette, mais pas De Funès. Pourtant, face au talent de son compère, le grand André a demandé que le nom de Fufu soit placé sur l’affiche du long-métrage au même niveau et à la même taille que le sien. Louis de Funès en est resté reconnaissant à son ami, jusqu’à la fin de ses jours.
4. «La grande vadrouille» (1966)
Longtemps plus gros succès du box-office français, «La grande vadrouille» est sans doute un des films les plus rediffusés à la télévision. A chaque fois, ce sont des millions de téléspectateurs qui suivent les aventures du peintre Augustin Bouvet (Bourvil) et du chef d’orchestre Stanislas Lefort (De Funès), venus au secours de pilotes anglais qu’ils vont tenter d’amener en zone libre, en traversant la France occupée par les Allemands. C’était gonflé, à l’époque, de proposer une comédie sur un sujet aussi sérieux que l’Occupation. Gérard Oury – qui ne voulait pas filmer une simple suite du «Corniaud» – avait choisi un thème audacieux. Fort de moyens financiers considérables, «La grande vadrouille» est un métrage somptueusement mis en scène qui regorge de scènes inoubliables. Par exemple, celles se déroulant à l’opéra Garnier ou celle des souliers, sur une petite route de campagne. Sans oublier la fameuse séquence dans les lits d’hôtel où De Funès se retrouve à côté d’un officier allemand en train de ronfler. Très calibrée, cette comédie prend de l’âge avec bonheur, comme un bon vin.
3. «Fantômas contre Scotland Yard» (1967)
Avec ce film, nous entrons dans le top 3 des meilleurs films de Louis de Funès: ceux où le comédien atteint des sommets de folie, de créativité et de rythme. Au top de sa forme, sorte de diablotin gesticulant, il surjoue en permanence, mais avec une justesse absolue. Dans «Fantômas contre Scotland Yard», volant définitivement la vedette à Jean Marais (qui en avait pris un peu ombrage), il campe une troisième et dernière fois le commissaire Juve qui part enquêter en Ecosse, pour tenter de protéger Lord Mac Rashley visé par Fantômas.
Les pépites s’enchainent, notamment dans des gags à répétition jouissifs (la marche d’escaliers sur laquelle Fufu bute à chaque passage, par exemple), des scènes délirantes (quand Juve croit que le cheval qu’il monte lui parle ou lors de la séance de spiritisme) et des dialogues absurdes (le merle). Du grand art. Et le meilleur épisode des trois «Fantômas».
2. «Le gendarme se marie» (1968)
Et voici le meilleur épisode du «Gendarme». Là aussi, Louis de Funès est imbattable. Et les gags particulièrement réussis. En retrouvant pour la troisième fois son équipe – Geneviève Grad, Michel Galabru, Christian Marin, Guy Grosso, Michel Modo et Jean Lefebvre – le comédien tourne à plein régime. Et quand Cruchot rencontre sa douce Josépha (Claude Gensac), veuve du colonel de gendarmerie Lefrançois, ça vire au délire. Des arcs électriques quand il touche sa promise aux moments où il lui conte fleurette de manière appuyée, De Funès a passé la cinquième vitesse.
Ses scènes avec Galabru confinent au génie, dès lors que Cruchot entend devenir le chef de l’adjudant Gerber, après un examen de folie durant lequel le fourbe gendarme ne cesse de vouloir tour à tour copier ou déconcentrer son concurrent. Quand ces deux-là se retrouvent, comme des gamins, dans la cour pour comparer leurs réponses, on explose de rires.
1. «Le petit Baigneur» (1968)
C’est le meilleur film de Louis de Funès. Chef-d'œuvre absolu, délire total, comédie ultime: on n’a pas de mot face à cette farce extraordinaire concoctée par Robert Dhéry dans laquelle Louis-Philippe Fourchaume (Louis de Funès) cherche par tous les moyens à récupérer un employé qu’il vient de congédier. Et pour cause: André Castagnier (Dhéry en roux) a mis au point le bateau «Le petit Baigneur» qui vient de remporter L’Oscar de la Voile. L’armateur campé par Fufu ne le savait pas et veut donc réparer sa bévue, alléché par des contrats à venir mirobolants.
C’est à une sorte de course-poursuite que l’on assiste. Roublard et faux jeton comme jamais, De Funès est au maximum de son jeu. C’est bien simple, «Le petit Baigneur» pourrait être un dessin animé de Tex Avery! Ca fuse, ça balance à une vitesse monumentale. La rencontre de Fourchaume avec un paysan pas très compréhensible, sa voiture qui s’allonge, le prototype de canoë improbable de Castagnier, les cailloux qui s’effondrent dans les ruines, la crise d’autorité de Fufu face à son employé lorsqu’il le vire (avec le gag des tubes en carton), sans oublier la montée interminable dans un phare ou le sermon à l’église du coin, tout ici n’est que drôlerie, délires visuels et répliques qui tuent. Définitivement, une comédie cultissime à voir, revoir et re-revoir, encore et toujours.
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