Affaire Mike Ben PeterLes six policiers sont acquittés, une partie du public quitte la salle
Un Nigérian, soupçonné d’être un dealer, n’avait pas survécu à son interpellation en 2018, à Lausanne. Le tribunal rend son jugement ce jeudi: c’est un acquittement complet. «La honte», crie-t-on dans le public.
- par
- Xavier Fernandez
Médiatique s’il en est, le procès de six policiers prévenus d’homicide par négligence, qui s’est tenu entre Renens et Lausanne, ces derniers jours, sur fond de violences policières et racisme systémique, s’est terminé ce jeudi avec la lecture du verdict. Le Tribunal a acquitté les six agents prévenus d’homicide par négligence.
Le Tribunal a estimé qu’on ne pouvait pas retenir de violation du principe de prudence. «On ne pouvait exiger des prévenus qu’ils agissent différemment», a résumé le juge Pierre Bruttin. Il retient en outre que le lien de causalité n’est pas établi entre l’interpellation et le décès. «Les prévenus doivent être acquittés». Le Ministère public, lui aussi, avait fini par retirer toutes les charges.
Dans le public, c’est le choc. «La honte», a crié un spectateur. «C’est un scandale», «Suisse complice», ont ajouté d’autres personnes. Nombre d’entre elles se sont levées et ont quitté la salle.
Trop d’éléments à décharge ou flous
Les juges ont soulevé notamment la résistance farouche de Mike Ben Peter lors de son interpellation. Ils ont précisé que le manuel sur l’utilisation correcte du placage ventral n’était pas forcément connu des prévenus. De plus, ceux-ci pouvaient ne pas avoir remarqué l’obésité du Nigérian, qui portait une grosse doudoune, et donc ignorer un des facteurs de risque. Quant à ses cris, les témoignages divergent trop pour conclure qu’ils étaient audibles et qu’ils auraient dû alerter les agents.
Le juge Pierre Bruttin a rappelé que selon les experts, il n’est pas possible d’exclure que Mike Ben Peter aurait subi cet arrêt cardiaque sans le maintien en position ventrale subi. Mais il a ajouté que le contraire ne pouvait pas être exclu non plus.
Répondant aux accusations soulevées par les plaignants, le juge a indiqué qu’il n’y avait pas d’éléments permettant de dire que l'instruction n’a pas été menée correctement. Il a précisé qu’il ne statuait que sur l’affaire en elle-même, et non sur la présence ou non de racisme systémique dans la police, ni sur la qualité de l’enseignement prodigué aux policiers. «Le tribunal ne souhaite faire passer aucun message», a énoncé Pierre Bruttin.
Pour rappel, un policier avait vu Mike Ben Peter se débarrasser d’un petit sachet contenant de la marijuana, un soir de février 2018. Mais en tentant de l’interpeller, le policier a constaté que le Nigérian était bien plus fort que lui. Il lui a alors donné plusieurs coups de genou dans les parties génitales, avant d’utiliser son spray au poivre. Ensuite, jusqu’à cinq autres agents de la police lausannoise sont venus en renfort. Les six policiers ont plaqué le dealer présumé sur le ventre et lui ont passé les menottes. Mais comme il continuait de se débattre, les agents l’ont maintenu de longues minutes dans cette position. Finalement, Mike Ben Peter a fait un arrêt cardio-vasculaire. Il est décédé le lendemain à l’hôpital.
Pas de lien entre l’intervention et le décès
Dans le cadre du procès, il a beaucoup été question des cris poussés par la victime. Pour les policiers, il s’agissait uniquement de bruits liés à l’effort physique déployé par Mike Ben Peter. Mais selon plusieurs témoins, il s’agissait plutôt de détresse, d’angoisse ou de douleur. En outre, au sujet du placage ventral, le manuel suisse pour la formation des policiers indique que, une fois la personne menottée, elle doit être mise sur le côté ou assise dès que possible. Une définition qui ne semble pas coller avec ce que les policiers ont fait.
Néanmoins, officiellement, la mort de Mike Ben Peter est multifactorielle. Ni les coups, ni le spray au poivre, ni le placage ventral, ni les problèmes cardiaques ou l’obésité de la victime ne peuvent expliquer, à eux seuls, le décès. Dès lors, le lien de causalité entre l’intervention des policiers et le trépas du Nigérian n’a pas pu être établi.
Polémiques multiples
Plusieurs polémiques ont en outre émaillé le procès. Tout d’abord, la découverte de la photo d’un policier, posant pouce levé à côté d’un graffiti «RIP Mike», a fortement ébranlé les esprits. Puis, le symbole de la «Thin blue line», arboré par l’un des agents assurant la sécurité autour du procès sur son uniforme, a aussi secoué la Cour.