KazakhstanStalactites au plafond après des coupures de courant par -30°C
Au Kazakhstan, le calvaire d’une ville restée sans chauffage pendant plus d’une semaine par des températures qui sont descendues jusqu’à -30°C a suscité une vague de colère.
La descente aux enfers d’Ekibastouz, une cité d’environ 150’000 habitants du nord du Kazakhstan (Asie centrale), illustre les conséquences que peuvent avoir les coupures massives d’électricité en plein hiver, au moment où plusieurs nations européennes redoutent des pénuries énergétiques à cause de la guerre en Ukraine.
Les images diffusées par les médias kazakhs montraient des stalactites se formant dans des appartements, tandis que des habitants transis brûlaient ce qu’ils trouvaient dans la rue pour se réchauffer par un froid polaire. Des équipes d’ouvriers s’efforçaient jour et nuit de réparer les canalisations ayant explosé sous l’effet du gel, réchauffant des jerricans à l’aide de chalumeaux pour empêcher leur contenu de geler.
Colère nationale
Les autorités ont annoncé la fin jeudi d’un état d’urgence qui avait été décrété le 28 novembre, au lendemain d’un dysfonctionnement dans une centrale thermique qui a privé plusieurs quartiers de courant et de chauffage. Si la situation s’améliore peu à peu, le calvaire d’Ekibastouz, qui a été pendant la terreur stalinienne un immense camp de travail où a notamment été enfermé le célèbre écrivain et dissident soviétique Alexandre Soljenitsyne, a suscité une colère nationale.
Le populaire chanteur Dimash Koudaïbergen, 3,8 millions d’abonnés sur Instagram, a réclamé que les responsables de ce drame «purgent leur peine dans une prison sans chauffage» et paient ainsi pour les «larmes des mères restées dans la rue.»
Système datant de l’URSS
Face à la grogne sur les réseaux sociaux, le président Kassym-Jomart Tokaïev, qui a failli être renversé il y a près d’un an par des émeutes meurtrières, a limogé le gouverneur local et dépêché plusieurs hauts responsables sur place. Des radiateurs et des couvertures ont été envoyés des quatre coins du Kazakhstan. Et même au Kirghizstan voisin, où la situation énergétique n’est guère plus enviable, des fonds ont été collectés en soutien.
Cet épisode s’ajoute à une liste déjà longue d’accidents dans les infrastructures thermiques au Kazakhstan, un pays grand comme cinq fois la France. «La première fois, c’est un hasard, la deuxième une coïncidence et la troisième, la règle», déclare à l’AFP Jakyp Khaïrouchev, un ingénieur en électricité et dirigeant d’entreprise.
Hérité de l’Union soviétique, le système énergétique reste vétuste, malgré les investissements. Selon le gouvernement, l’âge moyen des centrales thermiques est de 61 ans, ce qui ramène à une époque où Nikita Khrouchtchev dirigeait l’URSS. Selon Jakyp Khaïrouchev, «plus de 1000 arrêts d’urgence de centrales thermiques ont eu lieu en 2022», représentant «près de 75’000 heures.»
Le président Tokaïev a à cet égard déploré que le Kazakhstan, riche en hydrocarbures, soit «l’un des pays les plus énergivores du monde» et doive importer de l’électricité, en particulier de Russie.
Impact des cryptomonnaies
Mais cette forte augmentation de la consommation énergétique aboutit à un cercle vicieux, car, pour la satisfaire, les usines doivent fonctionner à plein régime, ce qui augmente le risque d’accidents. Selon Jakyp Khaïrouchev, l’explosion ces dernières années au Kazakhstan du minage de cryptomonnaies, avec des ordinateurs très gourmands en énergie, a accentué la tension sur le système.
Contraint de réagir, Kassym-Jomart Tokaïev dit désormais envisager la nationalisation de certains actifs, 22 des 37 centrales thermiques appartenant au secteur privé. Et si le gouvernement s’est défaussé sur le propriétaire de la centrale d’Ekibastouz, l’oligarque Alexander Klebanov, le 15e homme le plus riche du Kazakhstan d’après «Forbes», celui-ci lui a renvoyé la balle.
Avec les moyens du bord
Alexander Klebanov a en effet assuré avoir «déjà alerté le gouvernement de la non-rentabilité de la centrale» et invoque «l’impossibilité d’augmenter les tarifs», ce qui est de la responsabilité du gouvernement. En attendant la construction de nouvelles centrales, notamment via des partenariats avec l’étranger, il n’y aura pas d’autre choix que de faire avec les moyens du bord pour passer l’hiver.
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