IngénieuxL’EPFL tente de construire des machines de Léonard de Vinci
Des étudiants en génie mécanique ont passé un semestre à s’inspirer des plans du savant italien pour savoir si ses inventions fonctionnaient.
14 étudiantes et étudiants en génie mécanique ont choisi de passer un semestre dans la tête de Léonard de Vinci. S’appuyant sur ses dessins réalisés au XVe et XVIe siècles, les futurs ingénieurs ont construit d’ingénieuses machines, les transformant même, pour mieux en comprendre leur fonctionnement.
Le projet d’ingénierie simultanée «Da Vinci Project», imaginé par Pedro Reis, directeur du FlexLab de l’EPFL, a mis 3 équipes, en dernière année bachelor, sur des charbons ardents. Cette idée a germé dans la tête du professeur lorsqu’il a visité Florence, fasciné par le travail de l’inventeur et intrigué par les nombreuses machines construites par des artistes, il a pensé que ce projet pourrait avantageusement mettre au défi les étudiants en termes d’ingénierie mécanique.
Lire le «Codex Atlanticus»
Avant de se lancer dans l’aventure, les équipes, encadrées par les assistants du FlexLab, Fani, Luna et Michael, ont dû plonger dans plusieurs des volumes du «Codex Atlanticus», qui recueillent les dessins et les notes de Léonard de Vinci. Fallait-il tabler sur des plans d’étude déjà réalisés en maquette (comme la vis aérienne, le chariot autopropulsé, le roulement à billes, le chevalier automate, le char d’assaut) ou préférer s’attaquer à l’inconnu et tenter de vérifier une théorie du grand polymathe? Un choix cornélien.
Salomé, Pierre, Quentin et Louis ont voulu prendre des risques et se confronter à l’inconnu en sélectionnant une machine à friction, qui aurait la capacité de générer la chaleur du soleil grâce au couplage de 23 engrenages. «En tant qu’ingénieurs en mécanique on se sentait à l’aise avec tout ce qui est structure d’engrenages, boîte à vitesses, réducteur ou amplificateur. On s’est dit que l’on avait toutes les cartes en main pour réussir le défi, d’autant que tout ce qui concerne l’analyse thermique nous a été enseigné cette année», explique Salomé.
Une assurance vite déstabilisée face au défi technique. «Il aurait fallu une force surhumaine et des matériaux quasi indestructibles pour entraîner à la file 23 engrenages. Léonard de Vinci prévoyait même des axes en diamant pour supporter le poids et la friction», précise Pierre. Encadrée par la postdoctorante Fani Deverni, l’équipe a dessiné, modélisé et construit une suite de 5 engrenages. Même si en faisant fonctionner la machine, un des axes a rendu l’âme, la friction générée a permis d’augmenter la température de 60 degrés, au point de contact.
Le chariot autopropulsé, pour le show!
Lorsque vous choisissez un dessin archi connu de Léonard de Vinci, qui a déjà fait l’objet de nombreuses maquettes, vous avez envie non seulement de comprendre le mécanisme et d’appliquer le concept, mais surtout d’innover en lui donnant, pourquoi pas, une autre fonction. C’est ainsi que Naïm, Lucas, Martin, Nicolas et Lina se sont penchés sur la voiturette autopropulsée grâce à des ressorts, qui faisait s’émerveiller le public d’antan lorsqu’elle était lancée sur scène sans conducteur. «On s’est dit, on a le mécanisme principal, qu’est-ce qu’on peut en tirer? On peut le mettre à l’épreuve, se mettre à l’épreuve, et on en a eu des soucis, se souvient Lina, mais il suffit de réfléchir et on trouve une solution.»
Michael Gomez, postdoc et assistant sur ce projet, a suivi toutes ces étapes en laissant aux étudiants les coudées franches afin qu’ils puissent s’exprimer dans ce programme. Martin détaille le fruit de leurs cogitations: «On est partis sur une sorte de téléphérique, transportant des charges au-dessus d’un ravin ou d’une rivière, et qui pourrait fonctionner en cas de panne d’électricité ou de carburants. À chaque réadaptation on a été confrontés à un nouveau problème et c’est ce processus créatif qui m’a beaucoup plu.»
La vis aérienne dans un aquarium
À la fin du XVe siècle, de Vinci dessine sa vis aérienne, inspirée de la vis sans fin d’Archimède. Dans son plan d’étude, l’inventeur étudie la perspective du premier vol d’un être humain. Déduisant que la vis, propulsée par un ressort s’appuierait sur l’air afin de décoller. «Cette machine a été très étudiée et nous savons que cela ne fonctionne pas: l’engin est trop lourd et la vis gigantesque. Nous avons voulu partir de ce postulat et essayer d’apporter des améliorations que ce soit pour les hélices ou le milieu dans lequel elles évoluent», précisent Simon et Guillaume.
Les deux étudiants en génie mécanique et leurs acolytes Elyssa, Julien et Côme, soutenus par Luna Lin Yuexia postdoctorante au Flexlab, ont donc décidé de revisiter la vis non pas dans l’air, mais dans l’eau, le milieu étant plus dense, il permet une meilleure portance. Elyssa a expérimenté le coefficient de frottement de l’hélice, sans rotation dans un mouvement purement vertical. «Le but initial est de faire remonter l’hélice du fond de l’aquarium à la surface, il faut que celle-ci puisse générer assez de poussée pour vaincre la traînée du fluide et son propre poids.» Julien et Côme se sont occupés du prototypage et de la fabrication du modèle. La forme de l’hélice était un défi en soi. Ils ont conçu et imprimé de nombreuses hélices, en changeant à chaque fois un paramètre, pour pouvoir les comparer. «On a remarqué que l’hélice de de Vinci n’était pas parfaitement cylindrique, on s’est demandé si c’était une bonne idée. D’après nos résultats, ce serait effectivement un avantage dans la force qui est développée par l’hélice», conclut Simon.