Votations fédéralesAlain Berset lance la campagne pour la «Lex Netflix»
Le conseiller fédéral a défendu mardi la nécessité aujourd’hui de prélever une taxe de 4% sur le chiffre d’affaires des plateformes de streaming. Les opposants dénoncent une loi «paternaliste».
- par
- Eric Felley
Alain Berset a lancé mardi à Berne la campagne en faveur de la loi dite «Lex Netflix», adoptée par le Parlement et qui vise à ponctionner une taxe sur les plateformes de streaming en faveur de la production audiovisuelle helvétique. Cette modification de la loi sur le cinéma a été attaquée par un référendum venant des jeunes du PLR, de l’UDC et des Verts libéraux. La votation aura lieu le 15 mai prochain.
Concrètement, cette révision de la loi exige que les fournisseurs de streaming en Suisse (Disney+ ou Netflix) investissent au moins 4% de leur chiffre d’affaires dans la production cinématographique suisse. Si elles ne le font pas, elles devront s’acquitter d’une taxe de remplacement correspondante auprès de l’Office fédéral de la culture (OFC). Par ailleurs, les plateformes de streaming doivent avoir dans leurs catalogues un minimum de 30% d’œuvres européennes.
Alain Berset regarde «Lupin»
Pour Alain Berset, cette loi est aujourd’hui nécessaire étant donné que les plateformes de streaming sont devenues dominantes sur le marché des films et des séries. Lui-même admet avoir eu du plaisir à regarder «La casa de papel» ou «Lupin» sur Netflix. «La situation a complètement changé en moins d’une génération», relève-t-il. La législation doit donc s’adapter.
18 millions par an
«Avec ces 4% nous établissons aussi une égalité de traitement avec les télévisions privées qui s’acquittent déjà de ce pourcentage». Il a rappelé qu’en France, cette taxe est de 26% et en Italie de 20%: «Ce que nous faisons en Suisse est très raisonnable». L’OFC a fait une estimation. Cette modification de la loi sur le cinéma devrait rapporter 18 millions de francs par an sous diverses formes, qu’a détaillées la nouvelle cheffe de l’OFC, Carine Bachmann.
Alain Berset considère que le cinéma suisse est de bonne qualité: «On ne fait pas de superproductions américaines, nous faisons autre chose…» L’investissement que l’on demande aux plateformes permettra de jouer avec les mêmes instruments que les pays qui nous entourent. Il pourra aussi créer les conditions pour que des productions helvétiques soient diffusées aussi sur ces plateformes.
Une loi «hostile aux consommateurs»
Au courant de la conférence de presse du jour, les Jeunes libéraux-radicaux suisses ont envoyé un communiqué dans la journée, où ils déplorent un «impôt sur les films» et qualifient la loi d’«hostile aux consommateurs, injuste et paternaliste». En gonflant un peu les chiffres, ils dénoncent: «Bien que plus de 120 millions de francs suisses de subventions soient déjà versés à la création cinématographique suisse, 20 millions de francs supplémentaires devraient être versés chaque année dans la cagnotte. Une chose est sûre: l’argent retiré au secteur privé sera répercuté sur les consommateurs. C’est injuste!»
Alain Berset a contesté cet argument en disant que dans les pays où cette taxe a été introduite, il ne s’est rien passé de tel et que le prix de l’abonnement dans un pays dépendait d’abord du pouvoir d’achat. Quant aux 120 millions avancés par les Jeunes libéraux-radicaux, ils seraient plutôt de l’ordre de 105 millions.
«Une opportunité unique»
Mardi aussi, Cinésuisse, l’association faîtière de la branche suisse du cinéma et de l’audiovisuel, a réagi par communiqué. Elle applaudit «une opportunité unique pour la Suisse et son importante industrie audiovisuelle». L’association s’en remet à l’évolution internationale: «C’est désormais la règle chez nos voisins européens, l’entrée des plateformes de streaming sur leur marché est conditionnée à l’investissement dans la création locale et donc à leur participation à l’économie du pays. Sans cette adaptation législative, la Suisse manquera une opportunité de rééquilibrage économique nécessaire pour les PME actives dans l’audiovisuel».