SpectacleAlain Marra veut mettre de la magie dans la vie des gens
Musicien, magicien, mentaliste et comédien, ce Romand a présenté à Genève un show spectaculaire qui a ravi le public. Rencontre avec un artiste multiple qui va faire parler de lui.
- par
- Laurent Siebenmann
Soudain, une des portes de la salle s’ouvre. Au son d’une musique dynamique et mystérieuse, Alain Marra apparaît, entouré de danseuses se lançant dans une belle chorégraphie. L’homme effectue alors un époustouflant numéro de mentalisme, à base de cartes à jouer. La cinquantaine de convives venue assister à ce dîner-spectacle dans un palace genevois retient son souffle. En quelques secondes, Alain Marra a su captiver son attention. Même Marianne James, jurée de «La France a un incroyable talent», qui en a vu d’autres, est scotchée.
Un peu plus tard, Alain Marra, cette fois assis à une table de jeu au milieu des participants, enchaînera les tours et les manipulations de cartes. On aura beau se situer à quelques centimètres des mains du magicien, impossible de voir par quel moyen cet artiste, rapide comme l’éclair, parvient à tromper les spectateurs qui, à chaque fois, accueillent ses prouesses par des applaudissements nourris. Le musicien et producteur de télévision Alain Morisod sera, lui-même, mené par le bout du nez. Mais toujours avec le sourire.
Car une des marques de fabrique d’Alain Marra, c’est l’humour, la plaisanterie, le clin d’oeil. Toujours au contact de son public qu’il ne cesse de sympathiquement provoquer, il tient ses «victimes» consentantes par la main, avec un sens du partage contagieux. Pour une première, le gaillard a frappé fort. Lematin.ch a voulu en savoir plus sur cet artiste suisse romand considéré comme l’un des meilleurs carto-magicien au monde qui va, sans nul doute, faire parler de lui, après avoir ébloui des célébrités telles que Jean-Paul Belmondo, Benoît Poelvoorde, Pierre Richard, Patrick Bruel ou encore François-Xavier Demaison.
Alain Marra, qu’est-ce qui fait un bon tour de magie, selon vous?
Quand je devine un petit sourire sur le visage de la personne qui se trouve en face de moi. Quand l’émerveillement est au rendez-vous. Si je parviens à susciter ça, je suis heureux car je suis alors dans une forme de partage. Pas dans la pure démonstration qui n’a pas grand intérêt.
D’où venez-vous?
Je suis né à Fribourg mais j’ai beaucoup voyagé. Mon père était musicien. Je l’ai accompagné partout.
Comment la magie est-elle venue à vous?
Un jour, mon père a fait disparaître un briquet, devant moi, quand j’étais petit. C’était un tour tout simple, entre un père et son fils. Mais je ne comprenais pas comment il faisait ça. Ca m’a émerveillé… C’est à cette période que je suis tombé sur une boîte de magie, dans un magasin. J’ai embêté mon père afin qu’il me l’offre mais, comme elle coûtait cher et que nous n’avions pas les sous, il a refusé. J’ai piqué une crise, si bien qu’une dame me l’a offerte, à la sortie de l’établissement. Mon père m’a puni. Je n’ai pas eu le droit de toucher à cette boîte, durant une semaine. (Il sourit.)
Et ça a été le déclic?
Oui, j’ai débuté comme ça, en faisant des petits tours devant le public de mon père. J’ai pu tester mes premiers effets. J’avais 6 ans. Mes mains étaient plus petites que les cartes! (Il rit.). Mon papa, accordéoniste, était la vedette. Il me fallait pouvoir capter l’attention des spectateurs… Et puis, c’était aussi une manière de pouvoir m’exprimer, comme une forme d’exutoire. Après cela, mon père m’a fait chanter, jongler puis jouer de la batterie, tout ce qui pouvait amuser la galerie.
Cela a-t-il été une formation sur le tas?
Oui, ça a été une super école où j’ai touché à tous les genres. Plus tard, j’ai entamé une carrière dans la musique. Je suis pianiste autodidacte depuis l’âge de 20 ans. A ce titre, j’ai parcouru tous les piano-bars, les palaces de Suisse, tous les soirs.
Et la magie? Pour arriver à ce niveau-là, qui vous l’a enseignée?
Je suis allé voir les meilleurs. J’ai eu un premier maître qui s’appelle Pol Pollux. Il fut le plus grand jongleur de cartes au monde. Il figure d’ailleurs dans le Guinness Book. Il m’a pris sous son aile, lorsque j’avais 15 ans. Il m’avait prêté un livre que mon père a déchiré, un jour, de rage. Je n’ai plus osé retourner vers Pollux, par peur et par honte. Ca n’est que vingt ans plus tard que je l’ai enfin revu. Je le considère aujourd’hui comme un papa.
On sent une complicité très forte avec le public. C’était visible, à Genève.
Mes racines, c’est le public. J’ai besoin de lui. Sans ça, je suis comme une plante qui n’est pas arrosée, je fane. C’est toute ma vie. Si vous voulez, je suis un peu comme un gamin qui a grandi dans un cirque: ma nourriture, ce sont les applaudissements.
Et aujourd’hui, quid de la musique?
A un moment, après avoir beaucoup bataillé pour percer à Paris où j’ai rencontré des producteurs, où je suis allé à la télévision, je suis rentré déçu. C’est là que, après avoir décidé de faire un break, j’ai ressorti mon vieux jeu de cartes. Et là, je m’y suis mis quinze heures par jour, sept jours sur sept. Je prenais rarement de vacances. J’ai voué ma vie à ça et à mes enfants. Mais j’ai repris récemment la musique, avec l’élaboration d’un album. On verra.
Vous vous considérez donc comme un artiste multiple?
J’ai un problème avec le «ou». J’aime plutôt le «et». On vit dans un monde où on veut nous pousser à choisir. C’est exactement ce que je ne veux pas. Quand on a plusieurs talents, rien n’empêche de tous les exploiter. Il faut croire en ses rêves.
A part la Covid, peut-être…
Parlons-en. Les contraintes liées à ce virus ont un peu détruit les artistes. Pour ma part, j’ai profité de réfléchir à ce que je veux vraiment. Le show que j’ai proposé ici à Genève y répond. On y trouve de la magie, du mentalisme, de l’humour, un peu de comédie. J’aimerais aller dans cette direction avec un one-man show qui me ressemble, avec une part d’improvisation. Et surtout, être au contact du public, près de lui. Au milieu de lui. J’ai besoin de pouvoir toucher les gens, physiquement. Même si, demain, je montais un show à L’Olympia, sur une scène, je conserverai ce type de spectacle au milieu de trente personnes, comme ce soir. Je garderai cette formule toute ma vie.