ÉconomieConteneurs en retard, prix exorbitants: le fret maritime sous le feu des critiques
Les armateurs de porte-conteneurs sont accusés par leurs clients de pratiquer des tarifs excessifs, qui seraient en partie responsables de l'inflation du prix de nombreux produits.
Ils ont fait des bénéfices record après la crise sanitaire: les armateurs de porte-conteneurs, accusés par leurs clients de rendre de «mauvais services» depuis deux ans tout en pratiquant des tarifs exorbitants, sont pointés du doigt comme portant, en partie, la responsabilité de l’inflation.
Le prix moyen d’un conteneur sur une rotation Asie-Europe, de 1500 dollars environ début 2020, s’est envolé à plus de 10'000 dollars aujourd’hui, pour les tarifs «spot» (réservés seulement 30 jours à l’avance), selon les acteurs du secteur.
Impact du Covid
La pandémie de Covid avait provoqué, au premier trimestre 2020, une baisse de 20% des échanges internationaux de marchandises, rappelle à l’AFP Jean-Michel Garcia, délégué aux transports internationaux de l’Association française des utilisateurs de transport de fret (AUTF), forçant les compagnies de fret, pour «réduire la voilure», à se séparer de certains bateaux et de nombreux conteneurs.
«Mauvais service»
Mais depuis, assure-t-il, «la demande est revenue au même niveau qu’avant, les capacités sont plus importantes qu’avant, sauf que les compagnies maritimes font du mauvais service.» D’après l’institut Sea Intelligence, en mai 2022, la ponctualité des bateaux n’était que de 30 à 40%. «In fine, c’est le chargeur – le client – qui paye tout, avec le minimum d’explications et le maximum de menaces», dénonce Jean-Michel Garcia.
Enquêtes dans plusieurs pays
Les autorités de plusieurs pays, dont les États-Unis, ont lancé des enquêtes contre les grandes compagnies maritimes, dont elles dénoncent la concentration excessive. Le président américain Joe Biden lui-même a récemment menacé de «sévir contre les compagnies qui pratiquent une tarification abusive et excessive.»
40'000 navires à changer
«Les ententes sont illégales, et tous les armateurs du monde sont extrêmement vigilants là-dessus», répond Jean-Emmanuel Sauvée, président d’Armateurs de France, interpellé par l’AFP. Pour justifier les forts tarifs actuels, il met en avant les investissements colossaux des compagnies pour s’adapter aux nouvelles règles de l’OMI, qui leur impose dès 2023 d’accélérer la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre: «c’est 40'000 navires dans le monde qu’il va falloir changer.»
«Mauvaises habitudes»
Le doute sur les pratiques des armateurs vient aussi du règlement d’exemption qui leur permet «de s’entendre sur leurs capacités», selon la Feport, qui représente les terminaux privés. Elle dénonce aussi «les mauvaises habitudes des bateaux d’arriver en retard, or le terminal portuaire n’est pas un parking, ni une zone de stockage à ciel ouvert, il faudrait que les autorités portuaires haussent le ton.»
Elle reconnaît aussi, dans certains ports, des problèmes de connectivité qui retardent les livraisons. Un argument mis en avant par l’un des leaders du secteur qui, sous couvert d’anonymat, assure que tous ses bateaux sont en activité et regrette les congestions portuaires et l’engorgement des réseaux intermodaux, selon lui à l’origine des tensions sur les chaînes logistiques.
Produire moins loin?
Selon la Feport, «les entreprises commencent à rechercher des filiales plus près de l’Europe, et la guerre en Ukraine accroit cette tendance. Peut-être qu’on va acheter moins loin, pour vendre moins loin…»