GuinéeDes manifestations contre la junte paralysent Conakry
La capitale guinéenne Conakry a été la scène de manifestations contre la junte au pouvoir jeudi 28 juillet 2022. Les manifestants réclament aux militaires plus de transparence dans la gestion de la transition politique.
Des manifestations contre la junte au pouvoir en Guinée depuis septembre 2021 ont paralysé jeudi la capitale, faisant un mort selon les organisateurs de ce mouvement de rue marqué par des heurts entre manifestants et forces de l’ordre, alors que l’organisation des États ouest-africains affirme avoir convaincu les militaires de réduire la transition de trois à deux ans.
Les autorités n’ont pas confirmé ce mort lors de ces manifestations interdites à Conakry, menées à l’initiative du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), une importante coalition de partis, de syndicats et d’organisations de la société civile, qui dénoncent la «gestion unilatérale de la transition» par la junte. L’ancien parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) et une autre importante coalition formée de partis, de mouvements et d’associations, l’Alliance nationale pour l’alternance et la démocratie (Anad), avaient également appelé à se joindre au mouvement de protestation.
Dans plusieurs quartiers, des heurts ont éclaté entre de jeunes manifestants et les forces de l’ordre, selon un journaliste de l’AFP. Des barricades ont été dressées, des pneus brûlés. Et la police a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser des groupes qui leur lançaient des pierres. Le Parquet a ordonné jeudi des poursuites contre les organisateurs de la manifestation. Ibrahima Diallo, responsable des opérations du FNDC, s’est quant à lui félicité d’avoir réussi cette «paralysie» du système.
Le colonel Mamady Doumbouya, qui a renversé le 5 septembre le président Alpha Condé au pouvoir depuis plus de dix ans (2010-2021), s’est engagé à remettre le pouvoir à des civils élus dans un délai de trois ans.
Une médiation impossible
S’exprimant à Bissau, au cours d’une conférence de presse avec le président français Emmanuel Macron, le président en exercice de l’organisation des États ouest-africains, Umaro Sissoco Embalo, a assuré avoir convaincu la junte à accélérer le retour à la démocratie.
«J’étais à Conakry (…) pour faire comprendre à la junte militaire la décision du sommet des chefs d’État que la transition ne peut pas dépasser les 24 mois. Eux avaient proposé 36 mois, mais on a réussi à les convaincre», a-t-il dit. En revanche, Ousmane Gaoual Diallo, ministre guinéen et porte-parole du gouvernement de transition, a indiqué à l’AFP que «ni le gouvernement ni la présidence ne confirment cette information sur la durée de la transition en Guinée».
Trois leaders du FNDC ont été violemment interpellés le 5 juillet, provoquant de violentes manifestations spontanées. Ils avaient tous trois été relaxés à l’issue d’un procès où ils étaient jugés pour «outrage à magistrat». Le 20 juillet, des médiateurs de l’organisation, dont l’ex-président béninois Thomas Boni Yayi, le chef de l’État bissau-guinéen et président en exercice de la Cédéao Umaro Sissoco Embalo, et le président de la Commission de la Cédéao, le Gambien Omar Alieu Touray, ont rencontré le chef de la junte et des officiels guinéens à Conakry pour discuter du retour au pouvoir des civils en Guinée.
Aucune information n’avait filtré jusqu’alors de leurs échanges. L’Afrique de l’Ouest a vu se succéder les coups de force de colonels et lieutenants-colonels en moins de deux ans: ceux de 2020 et 2021 à Bamako, putsch le 5 septembre 2021 à Conakry, putsch le 24 janvier 2022 à Ouagadougou. Depuis 2020, la Cédéao, alarmée du risque de contagion dans une région vulnérable, multiplie les sommets, les médiations et les pressions pour accélérer le retour des civils à la direction de ces pays.
Au Burkina Faso, les dirigeants ouest-africains s’étaient mis d’accord début juillet avec la junte au pouvoir à Ouagadougou pour une période de transition de deux ans à compter du 1er juillet 2022, au lieu de trois prévus initialement. L’organisation a aussi levé récemment ses lourdes sanctions économiques et financières contre le Mali, après l’adoption par la junte au pouvoir d’un calendrier électoral fixant la présidentielle à février 2024, validé par la Cédéao.