Guerre en UkraineLes Russes vont-ils batailler pour Kherson ou se replier?
Point stratégique, la ville a été prise par Moscou en mars. Dans un «cul-de-sac», l’armée russe doit désormais faire face à des adversaires qui ont parfaitement «préparé le champ de bataille».
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La ville de Kherson est un point stratégique, de par sa position sur le fleuve Dniepr.
AFPDes troupes russes massées dans la tête de pont de Kherson, sur la rive occidentale du Dniepr, des Ukrainiens à la manœuvre enhardis par leurs succès, des civils évacués… Kherson sera-t-elle le théâtre d’une grande bataille, ou les Russes tenteront-ils de repasser le fleuve pour éviter d’être encerclés? «C’est un point stratégique, de par sa position sur le Dniepr. Il a aussi une importance symbolique», explique Olga Chiriac, chercheuse sur l’Europe de l’Est et l’espace post-soviétique au Middle East Institute.
«Kherson est la seule capitale d’oblast (région, ndlr) conquise» et la plus belle prise russe depuis le début de l’invasion du 24 février, rappelle le capitaine de vaisseau en retraite, Valentin Mateiu, ancien membre du renseignement militaire roumain.
Sur le papier, la ville a tout pour être un de ces lieux tragiques et décisifs où, parfois, se scellent les conflits, dans les décombres des cités transformées en tombeaux. Les autorités pro-russes ont accusé, vendredi, les forces de Kiev d’avoir tué quatre personnes en bombardant le pont Antonovski, reliant les rives nord et sud du fleuve Dniepr, utilisé pour des évacuations. De son côté, Volodymyr Zelensky a accusé, jeudi soir, les Russes d’avoir miné un barrage d’une centrale hydroélectrique dans la région, risquant de provoquer «une catastrophe à grande échelle».
Ils risquent d’être encerclés
De nos jours, «la guerre se décide en ville», rappelait récemment le général en retraite français Michel Yakovleff. «Tous les noms de bataille sont des noms de ville. Stalingrad, ce n’est pas un champ de patates», évoquant le plus célèbre de tous les combats urbains modernes, pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1942/1943, entre l’armée soviétique et les forces de l’Axe.
À Kherson et dans sa région, les soldats russes sont nombreux et aguerris, a priori dans une position favorable pour tenir la position, se retrancher dans la ville et infliger de terribles pertes si jamais les Ukrainiens décidaient de lancer l’assaut, une opération toujours coûteuse en vies humaines et destructrice. Seulement, ils sont sur la rive occidentale du Dniepr, sur une bande de près de 140 kilomètres de largeur, avec le fleuve dans le dos et leurs positions de repli au-delà des flots, dont le franchissement se ferait sous le feu de l’artillerie de précision des Ukrainiens. Ils sont aussi exposés au risque de se faire encercler.
«Un nouveau Stalingrad»?
«Des troupes de bonne qualité, mais dans un cul-de-sac. Il y a la possibilité de faire de Kherson un nouveau Stalingrad», estime Valentin Mateiu, pour lequel les Russes souffrent d’un «désavantage stratégique» après avoir laissé s’exprimer le talent manœuvrier des Ukrainiens, qui ont par exemple bâti une tête de pont au-delà de la rivière Inhulets, un affluent du Dniepr, menaçant de couper le front russe.
Avant la contre-offensive de fin août, «les Ukrainiens ont systématiquement préparé le champ de bataille», détruisant les ponts, les nœuds logistiques, les centres de commandement, «et les Russes n’ont pas eu de réaction adéquate», explique l’expert roumain. «Je pense que les Russes essaieront de faire de Kherson un centre de résistance, tout en évitant d’être encerclés.»