CommentaireBerne: mais quand vont-ils nous faire baisser les primes?
UDC, PLR et PDC ont longtemps été les piliers solides d’un système de santé très libéral. Avec son initiative, Le Centre de Gerhard Pfister a choisi de briser cette alliance, en appelant au peuple de juger.
- par
- Eric Felley
Il faut des solutions concertées… Il ne faut pas compromettre la bonne prise en charge de la population… Il faut éviter une médecine à deux vitesses… Il faut davantage de coordination des soins et de la prévention… Il faut empêcher une étatisation de la santé… Il faut lutter contre la répétition inutile d’actes médicaux… Il faut revoir le financement social du secteur… Il faut cesser de se renvoyer la balle… Il faut s’asseoir autour d’une table…
Des «il faut que…» qui s’annulent
Comme l’a fait remarquer mardi le conseiller national Baptiste Hurni (PS/NE), l’initiative du Centre visant à freiner la hausse des primes est une initiative de type «Il faut que…» En écoutant les longs débats du Conseil national, tous ces «il faut que…» finissent bien souvent par s’annuler les uns les autres. La lutte contre la hausse des coûts de la santé et des primes est un sujet devenu aussi lassant que récurrent au Parlement fédéral. Quasi toutes les tentatives se brisent sur le credo libéral des lobbys de la santé.
Ce qui surprend aujourd’hui, c’est la nouvelle position du Centre, allié naturel jusqu’ici du trio bourgeois avec le PLR et l’UDC, et soutenant cette politique de santé libérale. Les propos du président Gerhard Pfister ce mardi contre les «cartels» de la santé constituent une rupture inédite à Berne. Jusqu’ici, les membres de l’ancien PDC étaient bien intégrés dans le système (et certaines ou certains le sont toujours).
Le cynisme des experts
Le président du Centre a tenu un discours orienté que Pierre-Yves Maillard (PS/VD) aurait pu signer des deux mains. Parlant des lobbyistes de la santé avec une ironie mordante, il a dit: «On y trouve un essaim d’experts, de consultants, de comités et de groupes d’intérêts sur ce marché de milliards. Ils gagnent beaucoup d’argent en ne réduisant pas la complexité du système, mais en l’augmentant, de telle manière que rien ne change dans leur modèle d’entreprise rentable».
«Concurrence d’opérette»
Autrement dit, on le savait déjà, tous les acteurs de la santé, assureurs maladie compris, agissent en fonction d’une motivation économique classique basée sur le profit et la croissance. Baptiste Hurni parle d’une «mécanique infernale dont les pires accélérateurs sont définitivement l’autorégulation, un libéralisme de mauvais aloi et une concurrence d’opérette».
Le problème est que cette activité puise de plus en plus directement dans la poche des ménages. Au début de la LAMaL, la proportion des primes dans la facture finale de la santé était de 30%, elle est aujourd’hui de 38%. Pendant ce temps, les dépenses directes (franchises, quote-part) sont passées à 20 milliards, soit 24% de la facture. Si l’on ajoute encore les assurances complémentaires et les frais dentaires, le citoyen paie près de 70% de l’ensemble, mais il n’a jamais son mot à dire.
Deux initiatives complémentaires
Avec son initiative, Le Centre veut lui donner la possibilité de s’exprimer en créant un débat général. Le Parti socialiste le fait également avec son initiative pour limiter à 10% la part des primes au budget d’un ménage. L’un dans l’autre, ces deux textes sont complémentaires. S’ils devaient passer devant le peuple, on se réjouit déjà de la campagne qui mobilisera des essaims d’experts, de consultants et de groupes d’intérêts. Le business de la santé ne manque pas de ressources. Et s’ils nous promettaient même de faire baisser les primes?