France«Il fallait que je tue mon épouse et que je me tue»
Devant la Cour d’assises des Yvelines, où il est jugé pour l’assassinat de son ex-femme, Jean J. a expliqué mardi, avec une froideur d’expert, avoir voulu «annihiler» leur séparation.
Langage soutenu, ton monocorde et regard fixe, Jean J. a décrit avec une froideur d’expert l’assassinat ultra-violent de son ex-femme, mardi devant la Cour d’assises des Yvelines, assurant avoir voulu en la tuant «effacer» leur séparation.
«Ce qui m’a motivé, c’était d’effacer, d’annihiler cette réalité» d’un divorce subi et d’une dépression, explique-t-il depuis le box, lors de son interrogatoire sur les faits, au troisième jour de son procès à Versailles.
«Il fallait que je mette fin à ça, et pour mettre fin à ça, il fallait que je tue mon épouse et que je me tue», développe l’homme de 50 ans, vêtu d’une veste sombre et d’une chemise claire.
Il avait reconnu dès son interpellation être l’auteur du féminicide sur son ex-épouse, tuée le 24 janvier 2019 à Cernay-la-Ville, dans le sud des Yvelines.
Une avalanche de SMS injurieux en guise d’avertissement
Depuis une tentative de suicide en 2014, ce haut cadre municipal, diplômé de Sciences Po, est plongé dans une longue dépression, sa femme le quitte, ils divorcent.
À l’automne 2018, il se donne l’apparence d’une reprise en main, va chez le psy, mais une avalanche de SMS injurieux à l’encontre de son ex-femme marque une haine en construction. Le 11 janvier 2019, Jean Jaubert achète un couteau en céramique, le 14 janvier un marteau et une paire de gants.
À partir de là, il n’a que des «souvenirs fragmentaires du drame», a-t-il relevé mardi, droit comme un I derrière ses avocats. Le matin du 24 janvier, «j’ai croisé sur le chemin mon fils près de l’abribus, ça ne m’a pas empêché de continuer.»
Vingt-deux coups de couteau
Peu après, il est entré dans le pavillon d’Isabelle T., âgée de 48 ans, professeur de sport, mère de ses deux garçons. «J’ai fait deux, trois mètres et j’ai tout de suite asséné des coups de couteau à mon ex-épouse.» Il se souvient de «cinq, six» coups tranchants. La médecin légiste en a dénombré vingt-deux.
«Ensuite, je me souviens d’avoir pris le marteau et d’avoir donné des coups de marteau sur le crâne de mon ex-épouse», dit l’accusé, les yeux privés de toute émotion. La médecin légiste a dénombré quinze plaies sur la tête de la victime.
Questionné par la présidente, il n’a pas de souvenir du cri de son ex-femme lorsqu’elle le voit, ni qu’elle se soit défendue ni qu’elle n’ait tenté de s’échapper. «Le seul souvenir que j’ai, c’est sa stupéfaction, ses yeux écarquillés, et moi qui lui donne des coups de couteau», ajoute-t-il.
«J’étais envahi par la rage»
Il ne se remémore pas mieux les coups visant son ex-beau-père, venu ce jour-là avec sa femme pour aider leur fille à déménager, gravement blessé en tentant de s’interposer. Jean Jaubert est également jugé pour tentative de meurtre sur ses ex-beaux parents, seuls témoins de la scène.
Ce jour-là, ne cesse-t-il de répéter à la cour, «je n’étais plus moi-même, j’étais envahi par la haine et la rage».
Comme il l’avait prévu, il a ensuite pris la route, vu la mer à Honfleur avant de tenter selon lui de se donner la mort en absorbant des médicaments – anxiolytique et antalgique – sans succès. Après cinq jours d’hôpital, il se redirige vers l’Île-de-France avant d’être arrêté, huit jours après les faits.
L’accusé est «un sujet très introverti», «pas très émotif», a décrit lundi un expert psychiatre.
Aucun mot d’excuse
La cour tente de comprendre. «Beaucoup d’intervenants ont été choqués par l’absence d’expression d’émotions de votre part, comment vous expliquez ça?» lui demande la présidente.
«Je ne sais pas si c’est une absence d’émotions», répond l’accusé, toujours de marbre, «j’ai une difficulté à les exprimer en tout cas.»
La présidente l’interroge sur l’absence de mot, de regard, d’attention pour ses anciens beaux-parents, parties civiles, qui lui font face. «Je trouverais ça indécent», a-t-il répondu.
Le verdict est attendu mercredi.