Fascinant - Quand le robot-chien Spot met le feu au dancefloor

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FascinantQuand le robot-chien Spot met le feu au dancefloor

Tout juste racheté par Hyundai, Boston Dynamics change son fusil d’épaule et assure dorénavant son marketing à coup de chorégraphies virtuoses.

Christophe Pinol
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Christophe Pinol

Depuis les premiers modèles dévoilés en 2008, on savait que les robots de Boston Dynamics étaient capables de véritables prouesses. Notamment leur dernier bébé, Spot, ce quadrupède aux allures de brave toutou, capable d’escalader des terrains, d’éviter les obstacles, de voir à 360° autour de lui ou encore d’effectuer des tâches préprogrammées. Avec son bras articulé, fixé sur son dos, il peut même ouvrir des portes, agripper des objets…

Alors avec une telle dextérité, pas étonnant qu’il s’affiche dans toutes les situations possibles. Il a récemment officié en tant que berger en Nouvelle-Zélande, aidé à faire respecter la distanciation sociale dans les parcs de Singapour, joué les aides médicales dans un hôpital de Boston, pour suivre les patients atteints du Coronavirus, et a été chargé d’inspecter l’intérieur de l’arche de confinement de Tchernobyl… En Suisse, il se baladait dans les rues de Lausanne en mai dernier et lematin.ch l’avait d’ailleurs suivi ici. D’un point de vue ingénierie, c’est une véritable œuvre d’art, avec ses douze cerveaux moteurs, sa batterie lui assurant une autonomie de 1h30, ainsi qu'une stabilisation et une capacité à éviter les objets exemplaire», nous explique aujourd’hui Nikolaos Spanos, CTO de la start-up sierroise Workshop 4.0, qui cherche justement à trouver de nouveaux débouchés pour cet appareil.

Un danseur hors-pair

Mais pour célébrer sa récente acquisition par le constructeur automobile coréen Hyundai Motor, il y a quelques semaines, la firme du Massachussetts a justement publié une vidéo assez folle démontrant – avec plus d’efficacité que jamais – l’agilité de sa star. En chanson, cette fois, s’il vous plaît! En décembre dernier, les principaux modèles de la firme se déhanchaient déjà sur le titre «Do You Love Me?», du groupe The Contours, dans une vidéo devenue virale (plus de 32 millions de vues), mais ce nouveau clip a cette fois tout misé sur Spot avec pas moins de 7 toutous se livrant à une chorégraphie virtuose sur la musique du Boys Band coréen BTS, un groupe qui explose régulièrement les records de YouTube avec leurs différents singles.

Fruit de la collaboration entre les ingénieurs de la firme et la chorégraphe Monica Thomas, la séquence a demandé un travail de longue haleine. «Les robots ont l’avantage sur les humains de pouvoir reproduire des mouvements à l’infini d’une précision folle, expliquait le roboticien Eric Whitman dans un article publié par Boston Dynamics. Le problème, c’est qu’il faut leur décrire les moindres détails d’un mouvement même très simple». Deux logiciels spécialement développés pour Spot ont servi à la réalisation de ce clip, l’un permettant d’assembler des mouvements prédéfinis, de les accoler entre eux, d’en intercaler, comme sur une table de montage, tout en modifiant leurs différents paramètres. Et un autre capable de créer des séquences à l’aide d’outils d’animation 3D, puis de les intégrer dans le script du premier.

Séances de torture

Ce qui est important à noter, c’est qu’on est ici très loin des campagnes marketing de la firme d’il y a à peine 4 ans. A l’époque, pour démontrer l’efficacité et l’étonnante stabilité de leurs engins, Boston Dynamics prenait un malin plaisir à maltraiter ses bébés. On se souvient encore de cette vidéo où ce pauvre Atlas, version bipède de la famille, tranquillement en train de jouer les manutentionnaires, était soudainement agressé par un homme armé d’une canne de hockey. Celui-ci commençait par lui faire sauter des mains le paquet transporté avant de repousser violemment la machine d’un coup de crosse dans la poitrine. En bon robot, Atlas ne bronchait évidemment pas et venait même illico tenter de récupérer son carton. Mais à chaque fois qu’il s’en approchait, la personne repoussait ce dernier de sa canne. L’homme allait même, d’un violent coup, jusqu’à terrasser le robot, qui finissait par se relever, toujours aussi impassible. Et plutôt que de l’admiration face à la dextérité de ces machines, les vidéos avaient commencé à susciter un élan de compassion envers les robots torturées, déclenchant un cortège de réactions semi-outrées, semi-apeurées («qu’est-ce qu’on va déguster quand ils auront pris le contrôle!»). L’équipe de Corridor Digital, firme spécialisée dans la production de films et de marketing viral, en avait même tiré une hilarante parodie où les robots d’un certain «Bosstown Dynamics» prenaient finalement le dessus sur leur tortionnaires.

Mais aujourd’hui, Hyundai veut clairement mettre en avant un autre aspect de la robotique, plus orienté sur l’art, la performance et la finesse d’exécution. Pour le constructeur coréen, il s’agit aussi de faire oublier les racines militaro-industrielles de la firme. N’oublions pas qu’à l’origine, Boston Dynamics était développé pour l’armée américaine, soutenu dès les premières heures par la DARPA (le département de recherche en nouvelles technologies de la Défense aux Etats-Unis), avant que celui-ci ne jette l’éponge, à l’époque à cause du bruit excessif développé par les premières versions des robots.

Echec à l’examen de police

Quelque part, il s’agit aussi de redorer le blason du canidé mécanique, officiellement commercialisé depuis juin 2020 (pour la modique somme de 74'500 frs.). Notamment après le désaveu de la police de New York, en mai dernier, qui avait finalement cassé le contrat passé avec la marque pour intégrer Spot à une équipe du NYPD. Déployé lors de deux missions sur le terrain, Spot avait subi de violentes critiques, soulevées à la fois par les habitants et par les politiciens.

Reste maintenant à savoir comment Hyundai entend intégrer l’entreprise à ses projets à long terme, alors qu’elle s’apprête à opérer un virage vers une mobilité plus verte. On se souvient qu’avant les coréens, Boston Dynamics était passé entre les mains de Google, puis du Japonais SoftBank (qui garde d’ailleurs encore 20% du capital aux côtés de Hyundai) et qu’aucun des deux n’a jamais vraiment su comment développer des applications commerciales pour leurs bébés. A leur échelle, c’est d’ailleurs exactement le problème auquel est confronté Workshop 4.0, à Sierre. «Le problème de Spot, c’est qu’il n’est pas encore suffisamment autonome, confirme Nikolaos Spanos. On projette de travailler avec les CFF pour assurer des contrôles de sécurité dans les gares de triage afin de détecter d’éventuelles fuites de produits chimiques, de gaz ou d’hydrocarbures sur des trains cargo, mais qu’il s’agisse de gaz ou d’hydrocarbures, le robot pourrait créer des étincelles et donc être responsable d’une explosion. On pensait aussi lui assigner des tâches plus simples: aider par exemple les malvoyants dans les gares en les guidant à leur quai… Le problème, c’est que Spot attire beaucoup trop l’attention. On l’a testé en ville et on s’est retrouvé face à d’énormes attroupements, tout le monde voulant le prendre en photo. Il y aussi le risque que si on le laisse seul, les gens se mettent à le malmener pour voir comment il réagit. Et puis il a quand même tendance à effrayer pas mal de monde. Pas tant par sa nature mais par la direction que prend la société en utilisant ce type de machine…».

Des Suisses sur leurs talons

Autre challenge, pour Hyundai: faire face à la concurrence. Si Boston Dynamics a longtemps eu le monopole dans le domaine de la robotique, la société est aujourd’hui confrontée à d’autres machines tout aussi performantes. A commencer par celles des Zurichois d’ANYbotics, avec leur ANYmal C, un quadrupède ressemblant beaucoup à Spot et lui aussi destiné à l’inspection de sites industriels. Il y a aussi l’AlphaDog, développé par les Chinois de Weilan, qui surfe là encore sur le même créneau. A la différence que la société développe également un modèle d’un gabarit plus restreint, destiné à être tenu en laisse, qui devrait bientôt pouvoir aider à guider les malvoyants. Quant à Unitree Robotics, eux aussi basés au pays du soleil levant, ils proposent le Go1, conçu comme une sorte d’animal de compagnie, capable de suivre son utilisateur lors d’un footing ou de porter une partie de ses courses pendant ses sessions de shopping.

Qui sait, d’ici quelques années, on sera peut-être tous accompagnés de notre toutou mécanique aux performances diverses, à l’instar d’un smartphone, et customisables selon notre personnalité et notre humeur…

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