Politique climatiqueRenovate Switzerland va bloquer encore des autoroutes
Le mouvement qui bloque les routes estime que les mesures proposées au Parlement à Berne sont insuffisantes et trop lentes à mettre en place. Les automobilistes doivent s’attendre à d’autres actions.
- par
- Eric Felley
Mardi, la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie (CEATE) du Conseil national s’est prononcée à une large majorité, sauf l’UDC, en faveur d’un contre-projet indirect à l’initiative pour les glaciers. Pour les parlementaires, les secteurs du bâtiment et des transports ne devront plus émettre de CO₂ d’ici à 2050. Celui de l’industrie devra réduire ses émissions de 90%. D’ici à 2040, la Suisse devra réduire ses émissions de 75% par rapport à 1990.
200 millions par année
Pour y parvenir, la Confédération versera des aides financières à hauteur de 1,2 milliard de francs sur 6 ans afin d’encourager les entreprises à faire la transition. Concernant les particuliers, elle prévoit «un programme extraordinaire pour remplacer les installations de chauffage à combustible fossile et les chauffages électriques inefficaces, ainsi que pour procéder à l’assainissement énergétique des bâtiments aux travers de cautionnements. Elle financera ce programme pendant dix ans, à hauteur de 200 millions de francs par année».
Un milliard de francs par année
Cette dernière proposition fait écho aux préoccupations du mouvement Renovate Switzerland, qui a bloqué les autoroutes ces dernières semaines à Lausanne, Genève, Berne et Crissier. Le mouvement demande au Conseil fédéral d’élaborer un plan d’action national pour permettre de rénover un million de bâtiments mal isolés d’ici 2040: «Les subventions à la rénovation devront être quintuplées pour atteindre un milliard par an», demande-t-il. Enfin, 100 000 travailleurs supplémentaires doivent être formés dans le secteur du bâtiment d’ici 2025.
Le calendrier du Parlement
Pour le président de la CEATE, Jacques Bourgeois (PLR/FR), les revendications de ce mouvement n’ont pas été prises en compte par les parlementaires: «Nous suivons notre propre calendrier, précise-t-il. Depuis le refus de la loi sur le CO₂ l’année dernière, nous avons dû mettre en œuvre une initiative parlementaire pour éviter un vide juridique, notamment pour l’assainissement des bâtiments. En juin, nous nous prononcerons sur le contre-projet indirect à l’initiative sur le Glaciers et, à l’automne, sur la loi sur le CO₂, sans compter de dossier de la biodiversité et celui de l’approvisionnement énergétique de la Suisse».
«Pas de baguette magique»
Le contre-projet indirect avec ses 200 millions de francs par année est loin du milliard de francs réclamé par Renovate Switzerland. Mais pour le Fribourgeois, il faut rester réaliste: «En 2019, 20 000 chauffages ont été changés en Suisse. Avec 200 millions d’aides supplémentaires, on peut arriver à 30 000, voire à 40 000. Mais il faut tenir compte des ressources humaines, on ne peut pas agir d’un coup de baguette magique». En admettant que la Suisse parvienne à changer 40 000 chauffages par année, cela ferait 400 000 sur dix ans. En admettant également que l’effort se poursuive jusqu’en 2040, on en serait alors à 720 000 maisons débarrassées des énergies fossiles et assainies.
«C’est mentir face à l’ampleur du danger»
Pour Cécile Bessire, porte-parole de Renovate Switzerland, les propositions de la CEATE manquent d’ambition: «Faire penser à la population que ces mesures sont suffisantes, c’est mentir sur l’ampleur du danger auquel elle fait face. La réalité physique exprimée dans le dernier rapport du GIEC nous dit que nous avons trois ans pour déterminer le futur de notre pays. Tout retard équivaut à la destruction de ce qui nous est cher. Seul le plan que nous proposons est proportionné au danger climatique et énergétique dans lequel la population suisse se trouve.»
Blocages à prévoir
En l’état, les propositions de la CEATE du Conseil national ne feront pas cesser les blocages d’autoroute: «Nous arrêterons notre résistance civile uniquement lorsque le gouvernement prendra des mesures proportionnées à l’urgence de la menace, précise la porte-parole, tel que le prévoit le contrat social qui nous lie à lui. L’inaction des pouvoirs publics a brisé ce contrat et il est de notre droit et devoir de citoyens d’exiger des mesures».
«Le Gouvernement doit prendre les choses en main»
Sur le fait que le Conseil fédéral ne peut pas décider tout seul, mais qu’il doit passer par le Parlement et en cas de référendum par le peuple, Cécile Bessire estime que la situation exige une autre forme d’action: «Il faut avoir le courage de revoir urgemment notre façon de prendre des décisions au niveau national, qui est beaucoup trop lente et totalement inadéquate actuellement. Le Gouvernement doit prendre les choses en main et faire preuve de courage. C’est un moment charnière de l’histoire», conclut-elle.