«Killers of the Flower Moon», grand et long à la fois

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Cinéma«Killers of the Flower Moon», grand et long à la fois

Morts suspectes dans la riche tribu Osage entre-deux-guerres. En forme mais toujours aussi peu concis, Martin Scorsese s’appuie sur Leonardo DiCaprio et Robert De Niro.

Jean-Charles Canet
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Jean-Charles Canet

Un nouveau film de Martin Scorsese, cela ne se traite jamais par-dessus la jambe. Avouons toutefois avoir très mal digéré sa précédente œuvre, «The Irishman» (2019), diffusé uniquement via Netflix sur le Vieux-Continent. La longueur de ce récit mafieux (largement plus de 3 h 30), le recours à une technique peu convaincante de rajeunissement numérique des visages pour Robert De Niro et Joe Pesci, une certaine indolence du scénario et de la mise en scène avaient provoqué chez nous une torpeur profonde. À tel point qu’on n’a toujours pas tenté de le revoir dans l’espoir de trouver matière à réévaluation.

La bande-annonce (vostfr) de «Killers of the Flower Moon»

Paramount

D’où la crainte que ce scénario se répète avec le dernier film du maître, «Killers of the Flower Moon» dont les conditions de production ne sont pas loin de faire penser à celles qui ont donné naissance à «The Irishman». Le long métrage est en effet principalement produit par Apple TV+ et rejoindra rapidement le catalogue du canal de streaming sur abonnement. Mais contrairement à son prédécesseur, «Killer of the Flower Moon» bénéficie d’une sortie exclusive en salles (dès le mercredi 18 octobre en Suisse), confiée à Paramount pour le coup. Et c’est tant mieux «Killers of the Flower Moon» est indéniablement un long métrage au budget très généreux qui gagne à être vu sur grand écran.

Entre-deux-guerres prospère

À quoi s’attaque «Killers of the Flower Moon»? L’action se passe au XXe siècle, dans l’entre-deux-guerres aux États-Unis (en Oklahoma, sur le territoire attribué à la tribu indienne Osage, pour être précis). Devenue prospère après la découverte d’abondants gisements de pétrole, cette nation affiche son opulence, notamment à Fairfax, la ville ou Scorsese situe principalement son action. Et aussi la convoitise des colons blancs qui ont tendance à vivre aux crochets des Amérindiens nantis. De retour d’Europe où il a combattu, l’un poil benêt Ernest Burkhart (Leonardo DiCaprio) se fait mettre le pied à l’étrier par son oncle, le politicien William King Hale (Robert De Niro sans prothèses numériques) qui se fait volontiers passer pour un ami et bienfaiteur de la nation Osage. Tonton lui conseille ainsi de séduire et de marier une indienne afin de capter une partie de ses revenus du pétrole. Ernest convoite Mollie, une belle indigène au sang pur qui n’est pas insensible à ses charmes.

Racisme rampant, jalousie et appât du gain sont les puissants moteurs qui conduiront certains des acteurs de cette «histoire vraie» à l’immonde. N’ayant pas inventé le fil à couper le beurre, Ernest aura ainsi tôt fait de se laisser manipuler par son oncle à la douceur suspecte.

Brillant plan-séquence

Scorsese est ici en meilleure forme. Il compose quelques plans magnifiques, dirige ses acteurs avec son doigté habituel (ajoutons la remarquable amérindienne Lilly Gladstone dans le rôle de Mollie) et garde pour la bonne bouche quelques purs morceaux de bravoures scorsésiens. On pense en particulier à un brillant plan-séquence dans le premier tiers du film. Le drame général reste cependant insidieux. Il est parfois ponctué de brèves bouffées de violence mais ne conduit pas vers un déchaînement de type «climax» qui aurait été une solution de facilité. Le dénouement sera plus subtil et plus amer.

Confessons néanmoins que, parvenu à deux heures et demie de projection, on a commencé à regarder furtivement sa montre pour se demander, l’heure restante (3 h 28 en tout), si le récit ne gagnerait pas à être plus condensé, moins ralenti par les tunnels dialogués. On n’est pas encore parvenu à une conclusion définitive. «Killers of the Flower Moon» reste à nos yeux un Scorsese de bonne tenue, un de plus qui ne jette aucun regard condescendant sur la nature humaine, mais un Scorsese qui parfois se répète à l’image du rictus affligé qu’affiche Leonardo DiCaprio dans 90% de ses scènes. De Niro en veule manipulateur est pour sa part très bien. On note également la présence plaisante mais fugace de Brandon Fraser en avocat de la défense au bel organe et celle de Jesse Plemons, une gueule qui a tendance à se faire remarquer de plus en plus, dans le rôle d’un agent de ce qui deviendra le FBI.

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