AsieTo Lam confirmé comme nouveau président du Vietnam
Le Vietnam connaît de lourds changements politiques dans le cadre d’une campagne anticorruption, qui a notamment entraîné la démission du précédent président.
L’Assemblée nationale vietnamienne a confirmé mercredi la nomination du ministre de la Sécurité publique To Lam au poste de président du pays autoritaire, sur proposition du Parti communiste, après la démission de son prédécesseur emporté par une vaste purge anticorruption.
À bulletins secrets, 472 des 473 députés vietnamiens ont approuvé ce choix, selon la télévision d’État. To Lam, 66 ans, à la tête de ce ministère depuis 2016, y a adopté une ligne dure à l’égard des mouvements de défense des droits humains.
Pas de cumul
Il semblait prévu qu’il cumule la présidence et son poste de ministre de la Sécurité, ce qui aurait été une première au Vietnam. Mais quelques heures avant le vote à bulletins secrets, les parlementaires ont décidé de le démettre de sa fonction ministérielle.
«L’indécision sur le poste de ministre de la Sécurité publique montre que les autres membres de l’élite ont hésité à accorder ce poste à l’un des protégés de To Lam», a déclaré à l’AFP Nguyen Khac Giang, chercheur invité à l’Institut Yusof Ishak de l’ISEAS, spécialiste de l’Asie du Sud-Est.
«Et To Lam lui-même était réticent à abandonner le contrôle sur le principal outil de la campagne anti-corruption», a-t-il ajouté. Sa nomination comme président fait suite à la démission en mars de Vo Van Thuong, 53 ans, après seulement un an de présidence.
Campagne anticorruption
Sa chute spectaculaire est intervenue alors que le Vietnam connaît de lourds changements politiques, son prédécesseur ayant lui aussi été évincé dans le cadre d’une campagne anticorruption qui a vu des milliers de personnes limogées, dont plusieurs ministres, et des chefs d’entreprise de premier plan jugés pour fraude et corruption.
Dans ce pays communiste, l’homme fort est le secrétaire général du parti, Nguyen Phu Trong, considéré comme l’architecte de la campagne de lutte contre la corruption, populaire auprès de l’opinion publique.
Mais le nouveau président a joué lui aussi un rôle important dans ces purges, selon Zachary Abuza, professeur au National War College de Washington: To Lam a instrumentalisé les enquêtes anticorruption et «systématiquement éliminé les rivaux du bureau politique qui étaient éligibles pour devenir secrétaire général» du PCV.
Contrôle de la dissidence
To Lam a passé toute sa carrière au sein du ministère très secret de la Sécurité publique, qui s’occupe du contrôle de la dissidence. Au Vietnam, aucune opposition au régime du parti unique n’est tolérée, les voix critiques étant soumises à de l’intimidation, du harcèlement et des restrictions de déplacement.
Les groupes de défense des droits affirment même que le pouvoir a intensifié ces dernières années la répression. Il y a trois ans, To Lam a enflammé la toile au Vietnam, après la publication d’une vidéo le montrant en train de manger un steak recouvert de feuilles d’or dans un restaurant chic londonien, peu après avoir déposé une gerbe sur la tombe de Karl Marx.
Le restaurant, Nusr-Et Steakhouse, du chef turc Nusret Gokce – «Salt Bae» pour ses 40 millions d’abonnés sur Instagram – sert des pièces de viande enveloppées de feuilles d’or 24 carats, à près de 1000 francs. La vidéo a fait scandale dans un pays ou le revenu moyen est de quelques dollars par jour.
Quelques mois plus tard, le régime a emprisonné un vendeur de rue coupable d’avoir publié une vidéo parodique devenue virale, dans laquelle il saupoudrait des herbes sur une soupe de nouilles à la manière de Salt Bae.