OuzbékistanLe président sortant favori de l’élection présidentielle
Après un premier mandat marqué par de nombreuses réformes, ces derniers mois ont été marqués par un retour de l’autoritarisme en Ouzbékistan.
L’Ouzbékistan vote dimanche lors d’une élection qui doit offrir au président sortant Chavkat Mirzioïev une victoire facile, à l’issue d’un premier mandat marqué par des réformes libérales menacées par un retour des pratiques autoritaires.
Âgé de 64 ans, Chavkat Mirzioïev, qui dirige le pays le plus peuplé d’Asie centrale depuis 2016, est salué pour avoir aboli le travail forcé, ouvert l’économie et libéré des opposants torturés par son impitoyable prédécesseur, Islam Karimov. Mais il a renoué plus récemment avec des habitudes du passé, réprimant plusieurs voix critiques avant le scrutin. Ses détracteurs l’accusent par ailleurs d’avoir écarté toute opposition réelle de l’élection de dimanche.
Chavkat Mirzioïev affrontera quatre candidats largement considérés comme fantoches et qui se sont abstenus de toute critique envers lui pendant la campagne. L’issue du vote ne fait donc aucun doute. Avant le scrutin, les Ouzbeks interrogés par l’AFP sur un marché de Tachkent, la capitale, semblaient plus préoccupés par la pauvreté grandissante que par la protection de la liberté d’expression.
«Les élections? Vous m’en direz tant… Moi je dois gagner ma vie», réagit Sardor, un homme de 26 ans qui refuse de donner son nom de famille. Lui est un changeur de devises ambulant sur le marché. Le pays, riche en hydrocarbures, est pourtant frappé de plein fouet par la crise économique causée par l’épidémie de coronavirus. Le chômage et le coût de la vie ont fortement augmenté. «Il y a beaucoup de pauvres et de sans-abri», pointe Sardor, qui dit qu’il votera néanmoins pour le président Mirzioïev dans l’espoir qu’il permette «de résoudre ces problèmes».
«Nous attendons des changements comme des hausses de salaires. Ils sont faibles et pas toujours versés», commente pour sa part Ourazali Ergachev, un étudiant de 20 ans rencontré dans le centre de Tachkent.
Une région stratégique
Frontalier de l’Afghanistan, désormais dirigé à nouveau par les talibans, l’Ouzbékistan est situé dans une région aussi difficile que stratégique, où la Russie et la Chine exercent une forte influence.
Ce pays enclavé, qui compte environ 34 millions d’habitants, était autrefois une étape majeure sur l’antique Route de la Soie, une situation qui a fait la fortune de cités comme Samarcande et Boukhara.
Cinq ans après la mort de Karimov, l’Ouzbékistan a sans aucun doute l’air plus libre. Chavkat Mirzioïev a notamment mis fin au travail forcé dans les champs de coton, y compris de milliers d’enfants, une mesure mondialement saluée.
Le pays durement frappé par la pandémie
Mais les deux dernières années de son premier mandat ont été marquées par la répression croissante de blogueurs critiques. Un universitaire perçu comme l’un de ses rares véritables opposants, Khidirnazar Allakoulov, a lui été interdit de se présenter à la présidentielle.
La pandémie a aussi enrayé la forte croissance économique, plongeant le tourisme dans l’abîme et alimentant le mécontentement populaire. Fait rarissime, des manifestations ont même éclaté l’an dernier en réaction à des pénuries énergétiques.
Pour Temour Oumarov, spécialiste de l’Asie centrale au centre Carnegie de Moscou, Chavkat Mirzioïev est face à un dilemme: continuer de réformer sans toucher au système autoritaire hérité de Karimov et dont l’élite profite.
«La corruption existe toujours au sommet du gouvernement mais le pouvoir ferme les yeux», dit-il. Mais, «en parallèle, la société est plus dynamique qu’autrefois et ne sera pas contente si le gouvernement ne continue pas les réformes.» Le mois dernier, le président Mirzioïev, qui a rapproché son pays de Moscou et Pékin, a argué que la définition de la démocratie en Ouzbékistan n’était pas la même que dans d’autres pays. Et il a mis en garde contre l’instabilité.