Montreux JazzYears & Years: «C’était naturel de parler de sexe sur cet album»
Olly Alexander a offert un show dansant et sensuel, samedi au Lab. Il s’est confié sur son dernier album, «Night Call», juste avant de monter sur scène.
- par
- Fabio Dell'Anna
«Lorsqu’on m’a demandé comment j’allais marquer l’histoire du Montreux Jazz alors que de grandes stars sont passées par ici, j’ai répondu: En portant une belle combinaison déconstruite en maille», a confié avec humour Olly Alexander sur scène.
Connu sous le nom de Years & Years, le Britannique a fait bouger Le Lab ce samedi 2 juillet. Avec ses 5 danseurs (peu vêtus) et ses trois choristes aux voix impressionnantes, il a donné le concert le plus festif de cette 56e édition, jusqu’à présent. Des sonorités dance, une voix à donner le vertige et des chorégraphies sensuelles, simples mais efficaces. Le public sautait au rythme des basses de «Desire» ou encore «Starstruck». Le moment le plus marquant reste sa reprise au piano de son tube «Eyes Shut». Un silence religieux s’était installé dans la salle.
Olly Alexander a repris le catalogue du groupe avec lequel il s’est fait connaître il y a désormais plus de dix ans, mais a surtout présenté les titres de son projet solo. Il a sorti son album «Night Call» en début d’année qui s’est hissé en tête des classements au Royaume-Uni. Il nous en parle juste avant son show dans les loges du festival.
Vous revenez enfin sur scène, mais cette fois-ci seul. Heureux?
Je suis surtout heureux d’être ici. Le Montreux Jazz est un festival si prestigieux. J’ai toujours été jaloux de tous les autres artistes qui y ont été invités. Je suis content de pouvoir y partager ma musique. J’en ai profité aussi pour aller me baigner dans le lac cet après-midi.
Votre album est très positif et up-tempo. C’était ce qui vous manquait le plus durant la pandémie?
Exactement. C’est la raison pour laquelle, il y a beaucoup de dance sur ce disque. Au départ, je ne savais pas du tout quel genre d’album je voulais. J’ai recommencé à zéro durant la pandémie. Je ne voulais pas de ballades ou de musique lente. J’étais tout seul durant cette période, et danser, sortir, parler à des gens me manquaient énormément. C’est pour cette raison que le projet ne parle que de ça.
Sur plusieurs morceaux comme «Muscle», «Night Call» ou «Reflection» on retrouve une tension sexuelle dans les textes. Le sexe vous manquait?
Vous avez complètement raison. Je n’avais absolument aucune relation sexuelle pendant cette période. (Rires.) Je n’avais de contact avec personne. Quand j’ai composé cet album, cela faisait quatre ans aussi que j’étais célibataire. Même si j’ai eu quelques flirts, la pandémie est arrivée et ce manque de sexe a trouvé sa voie dans les paroles de mes chansons. Ce sujet était dans mes pensées et c’était naturel d’en parler.
Dans ce 3e album, vous semblez aussi plus confiant.
C’est l’âge. (Rires.) J’aurai 32 ans le 15 juillet prochain. Plus les années passent et plus je me sens bien par rapport à qui je suis. Les nombreux concerts m’ont certainement aidé à prendre confiance en moi. Sans oublier que je ne suis plus dans un groupe désormais (ndlr: en 2021 les deux autres membres fondateurs quittent Years & Years). Lorsque je me suis lancé dans ce projet solo, je me devais d’être sûr de ce que je voulais. Il était hors de question de me censurer. C’était un challenge, mais j’y arrive petit à petit.
Il y a quelques années vous avez dit lors d’un concert à Glastonbury: «Parfois j’ai peur, mais je n’aurai jamais honte car je suis fier de qui je suis.» Cela a toujours été le cas?
J’ai peut-être un peu menti. Lorsque j’étais plus jeune, j’avais honte d’être gay. Je ne voulais vraiment pas l’être. Il y avait tellement de tabous autour de l’homosexualité. Je ne savais même pas que je ressentais de la honte, je ne voulais juste pas être homosexuel. Même lorsque j’ai fait mon coming out, ce sentiment n’a pas disparu. Je pense que les personnes queer ont une relation avec la honte qui durera toute leur vie. Mais j’ai appris que si tu fais face à ces situations, que tu les mets en lumière et que tu es fier de toi ça ne peut être que bénéfique. Oui, j’ai peur parfois, mais personne devrait se sentir mal d’être gay.
Vous ressentez encore cette peur aujourd’hui?
Oui. Par exemple, si je suis à l’arrière d’un taxi avec mon compagnon je réfléchis si je peux vraiment l’embrasser ou lui tenir la main. Ce qui est triste. Peut-être que le chauffeur s’en fout complètement.
Revenons à la musique, vous avez réussi à collaborer avec Kylie Minogue sur votre titre «Starstruck». Comment l’avez-vous convaincue?
J’ai rencontré Kylie Minogue en 2015. Nous avions joué en première partie de l’un de ses shows. L’année d’après, elle m’a invité à chanter lors d’un concert de Noël. On s’est ensuite souvent croisé à des festivals… Elle a toujours soutenu ma musique et je suis un grand fan depuis mon enfance. Durant la pandémie, nous étions les deux en train de travailler sur nos albums. J’espérais qu’elle accepte ma proposition pour ce remix, et voilà. Elle est vraiment un ange et une de mes meilleures amies.
Vous avez rendu hommage à une icône gay récemment en sortant une reprise de «Outside» de George Michael. Pourquoi ce choix?
Il s’agit d’une de mes chansons préférées de George Michael. Il l’a écrite après avoir été arrêté pour attentat à la pudeur (ndlr.: un policier l’a attrapé en plein acte sexuel dans les toilettes d’un parc public de Beverly Hills). C’est une des histoires les plus iconiques. J’adore cet artiste. Il n’avait absolument aucun problème à parler de sexe et il ne laissait personne prendre la parole à sa place. Tous les tabloïds ont écrit à ce sujet et il s’est dit: «Je vais donner ma version en composant une chanson.» C’est inspirant.