États-UnisLevée des restrictions à la frontière: vers un afflux de migrants
Les États-Unis doivent lever jeudi soir une mesure qui verrouille l’accès à leur territoire depuis le début de la pandémie, alors que des milliers de migrants sont massés à la frontière Sud.
Même le président Joe Biden a reconnu que la situation serait «chaotique». Pour tenter d’y répondre, l’État fédéral a mobilisé «plus de 24’000 agents et forces de l’ordre» à la frontière, en plus de 4000 militaires.
La levée de la mesure, intitulée «Titre 42», est prévue à 23 h 59 heure de Washington (05 h 59 en Suisse vendredi), mais les traversées de migrants qui tentent de rejoindre l’eldorado américain sont déjà en hausse, ont relevé les villes texanes frontalières de Brownsville, Laredo et El Paso.
«Ça va être dur, très dur», a résumé mercredi le maire de cette dernière, Oscar Leeser. «On ne sait pas ce qui va se passer le jour suivant, on ne sait pas ce qui va se passer dans les dix prochains jours», a-t-il dit. Sa ville d’El Paso, un point d’arrivée majeur, «se prépare pour l’inconnu», a ajouté Oscar Leeser.
De l’autre côté de la frontière, Marta Pérez, venue du Guatemala, attend avec ses deux filles de 2 et 4 ans. En larmes, elle explique que son mari et l’un de ses fils ont été tués, et qu’un autre de ses enfants, adolescent, se trouve seul aux États-Unis. «Désormais, tout ce que je veux, c’est traverser» la frontière, dit-elle à l’AFP à Ciudad Juarez, localité mexicaine qui fait face à El Paso.
«Très difficile»
Le ministre américain de la Sécurité intérieure Alejandro Mayorkas a reconnu qu’il était possible que «les jours et semaines à venir» soient «très difficiles», confirmant que les autorités observaient déjà «un nombre élevé d’arrivées dans certains secteurs».
Confrontés aux changements des dispositifs migratoires, aux rumeurs propagées par les passeurs et à une procédure en ligne complexe, les migrants qui s’entassent dans le nord du Mexique témoignent d’un casse-tête procédural. «On ne sait pas ce qui se passe», confie Michel, un Vénézuélien croisé par l’AFP à Ciudad Juarez, à quelque 300 mètres de la frontière. «Ils nous rendent les choses plus difficiles», se plaint-il, frustré après un nouvel échec sur l’application mobile CBP One, sur laquelle il faut désormais prendre rendez-vous.
Certains d’entre eux se dépêchent de passer la frontière avant jeudi soir pour demander l’asile, de crainte que le changement de règles ne les empêche de le faire pendant cinq ans. Les migrants viennent principalement d’Amérique latine mais aussi de Chine, de Russie ou de Turquie.
Politique migratoire
Le «Titre 42», censé limiter la propagation du Covid-19, conférait la possibilité aux autorités américaines de refouler immédiatement tous les migrants entrés dans le pays, y compris les demandeurs d’asile. En trois ans, il a été utilisé à 2,8 millions de reprises.
De nouvelles restrictions au droit d’asile, finalisées par les ministères américains de la Justice et de la Sécurité intérieure, entreront en vigueur jeudi soir. Avant de se présenter à la frontière, les demandeurs d’asile, à l’exception des mineurs isolés, devront désormais avoir obtenu un rendez-vous sur une application téléphonique mise en place par les gardes-frontières, ou s’être vu refuser l’asile dans un des pays traversés lors de leur périple migratoire.
Dans le cas contraire, leur demande sera présumée illégitime et ils pourront faire l’objet d’une procédure d’expulsion accélérée, leur interdisant pendant cinq ans l’entrée sur le sol américain.
L’exécutif démocrate tient, sur ce sujet brûlant, à afficher une politique migratoire équilibrée, tandis que les républicains accusent Joe Biden, à nouveau candidat pour 2024, d’avoir transformé la frontière en «passoire». Pour encourager les voies légales d’immigration, Washington a ainsi prévu d’ouvrir à terme une centaine de centres à l’étranger pour étudier sur place les dossiers des candidats à l’émigration. Les premiers sont prévus en Colombie et au Guatemala.