FootballSteve Beleck, le coupeur de têtes
Il avait déjà été le héros du match de Coupe contre Zurich et mardi, en quart de finale, son penalty fut fatal au Lausanne-Sport. Qui est Steve Beleck, l’homme providentiel d’Yverdon Sport?
- par
- Jean Ammann
Yverdon Sport s’est qualifié pour les demi-finales de la Coupe de Suisse et on dira de Steve Beleck qu’il fut, mardi soir, l’homme providentiel de tout un club, de toute une ville… Mais la providence se répète, car Steve Beleck avait déjà fait basculer le match de Coupe contre Zurich lorsque, le 26 octobre, il se fit l’auteur d’un quadruplé, avec deux buts et deux tirs au but réussis.
Contre le Lausanne-Sport, en quart de finale, il a transformé à la 22e minute le penalty obtenu par Koro Koné, qu’il salue au passage: «A Yverdon, dit Steve Beleck, j’ai la chance d’avoir Koro Koné à mes côtés en attaque: nous nous entendons bien sur le terrain, l’entraîneur insiste pour que nous travaillions nos automatismes à l’entraînement, nous nous parlons beaucoup et comme il est plus expérimenté que moi, il me donne des conseils.» Cela étant dit, Steve Beleck, l’homme providentiel, le sauveur, le héros, ne déroge pas à la liturgie du football: au lendemain de cette victoire, il souligne «le travail collectif d’Yverdon».
Un seul but dans le championnat de Challenge League, mais déjà cinq buts en Coupe de Suisse. Steve Beleck serait-il l’homme des matches couperet? «Je pense qu’il y a une part de hasard dans cette réussite, répond Steve Beleck, mais il y a aussi une composante tactique: les équipes de Super League me laissent plus d’espace et cela me permet d’exploiter mes capacités physiques et techniques. Dès que j’ai un peu de liberté, je peux faire parler ma puissance.» Et Steve Beleck est plutôt impressionnant dans ce registre, avec son 1,87 m et ses 91 ou 92 kilos. «J’ai pris du muscle, ces dernières années», précise-t-il, corrigeant au passage une fiche qui le donne à 89 kilos.
Fils d’un international camerounais
Steve Beleck est né le 10 février 1993 à Yaoundé. Il est le fils de Thomas Libiih, qui fut l’un des Lions du Cameroun, aussi indomptables que légendaires: «Mon père a joué deux Coupes du Monde avec le Cameroun, en 1990 et 1994, raconte Steve Beleck. Il n’était pas attaquant, mais plutôt milieu défensif et défenseur central. Il m’a beaucoup inspiré, c’est lui qui m’a donné le goût du travail et de la discipline, c’est lui qui m’a appris à ne rien lâcher, même quand c’est difficile.»
Et la vie de Steve Beleck ne fut pas toujours facile: il quitte le Cameroun pour rejoindre sa mère en France à l’âge de 14 ans. À 16 ans, il entre dans le cirque du football professionnel, ballotté du Calcio à la Premier League, valdinguant des quatre coins de l’Europe, de la Grèce à la Belgique. Pour Steve Beleck, le football est une migration, dont il donne une brève introduction: «Je suis arrivé à l’âge de 16 ans en Grèce, au Panthrakikos Komotini. J’ai joué avec la deuxième équipe, jusqu’à l’arrivée d’un entraîneur français, Albert Cartier, qui m’a lancé. J’ai intégré la première équipe, mais à 17 ans, j’ai été vendu à Udinese, en série A. Je suis arrivé à une époque où il y avait de grands noms, comme Alexis Sanchez, Gökhan Inler, Antonio di Natale… Ils m’ont gardé une saison, le temps d’apprendre le football italien, la tactique, la langue. Là, je suis parti à l’AEK Athènes, ça s’est bien passé. Quand je suis revenu à Udinese, le président (Giampaolo Pozzo, réd.) m’a prêté à Watford, en Angleterre, un club qui appartenait à son fils. Cela ne s’est pas bien passé, je suis revenu à Udinese… » Et ainsi de suite jusqu’au mois de juillet dernier, jusqu’à Yverdon Sport, avec qui il a signé un contrat jusqu’au 30 juin 2023.
«Je n’ai plus envie de bouger, affirme Steve Beleck. Aujourd’hui, mon rêve serait de rester en Suisse pour jouer en Super League. Vous savez, ce n’est pas facile de changer de club… Je suis souvent arrivé dans des équipes sans avoir suivi la préparation d’été. C’est très difficile de trouver sa place dans ces conditions. Souvent aussi, je me suis heurté à la barrière de la langue, parce que j’ai joué dans les championnats turc, grec, roumain, anglais. Si un coach ne te veut pas, cela ne sert à rien de rester juste pour s’entraîner. Moi, je voulais du temps de jeu. C’est pour ça que j’ai beaucoup voyagé.»
Steve Beleck a posé ses valises sur la rive sud du lac de Neuchâtel, le temps de faire tomber quelques têtes que la Super League avait couronnées.