Ski alpinDidier Cuche: «Le show de Sarrazin est bon pour le ski alpin!»
Le Neuchâtelois, quintuple vainqueur à Kitzbühel, a apprécié le spectacle proposé par la Français, double vainqueur sur la Streif. Et se réjouit de la personnalité du Français.
- par
- Sylvain Bolt -Kitzbühel
Didier, vous êtes le spécialiste de Kitzbühel, qu’avez-vous pensé de la performance de Cyprien Sarrazin samedi?
On peut la comparer à celle de Stefan Eberharter en 2004 ou la mienne en 2011. Comme tout le monde: une fois qu’Odermatt était en bas, on s’est dit que ça allait être difficile. Et là, Cyprien (Sarrazin) remet une couche de plus. Odermatt n’a pas été bon avant le Carrousel en haut. Quand on est bon sur le Carrousel, on gagne du temps. Et la vitesse qu’on prend là, on la garde jusqu’à la ligne d’arrivée. Je ne pense pas que Sarrazin aurait été prenable même si Odermatt avait été bon là, mais il aurait été un peu plus près.
En tant que quintuple vainqueur à Kitzbühel, qu’est-ce qui vous a particulièrement marqué dans la course du Français?
Son engagement. On voit qu’il était vraiment à bloc, en pleine confiance. Avec sa manière de pousser les genoux dans certains virages comme dans le Carrousel. Il n’y avait pas vraiment de marge pour être juste, mais lui l’était, en poussant vraiment sur ses appuis. Il est rentré dans le Steilhang avec beaucoup de vitesse et a fait une sortie parfaite. Une fois qu’on est devant là et qu’on ne fait plus de faute, c’est presque impossible d’aller plus vite pour les suivants.
Les descentes deviennent de plus en plus techniques. Vont-elles donc être de plus en plus promises à des profils d’anciens géantistes, comme Sarrazin ou Odermatt?
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette analyse. Car depuis que je suis arrivé au sommet et jusqu’à cette année, je n’ai pas vu d’énormes changements dans le tracé à Kitzbühel. À part la traverse finale où il y a un tout petit changement de direction. Dans l’ensemble c’est exactement la même chose qu’avant. Le fait d’être bon en géant, c’est sûr que c’est un plus. Moi, je suis arrivé d’abord par la descente et en 2009 j’ai gagné le général de géant. Je pense que d’avoir été bon sur la deuxième moitié de ma carrière en géant m’a aidé à avoir de superbes performances en super-G et en descente. Cyprien Sarrazin, c’est un peu l’inverse. Mais un géantiste qui est bon et qui sait y faire en glisse : il n’y a aucune raison que ça ne le fasse pas.
Que pensez-vous de la personnalité de Cyprien Sarrazin ?
Il est sous les feux de la rampe, il débarque, il est là et ne sait pas trop ce qu’il lui arrive. Il me paraît réservé, mais quand les émotions font surface, on voit le show qu’il a fait à l’arrivée. Ça, c’est parfait, c’est ce qu’il faut pour le sport et le ski. Si tout le monde est trop réservé, trop fade, ce n’est pas bon pour vous non plus les journalistes (il sourit). J’espère que ça va devenir une personnalité qui fait vivre le ski sur la piste et en dehors.
Gagner deux fois à Kitzbühel, ce n’est pas anodin ?
Ce n’est pas anodin, mais c’est comme partout. Chaque jour est un nouveau jour. Il n’y a pas assez de doigts sur les deux mains pour compter ceux qui étaient au top de leur maîtrise, et qui ont basculé du mauvais côté. Il faut être chaque jour vigilant, continuer son boulot et être concentré, ne pas se laisser avoir par le relâchement.
Votre pronostic pour le globe de descente entre Odermatt et Sarrazin?
Qu’ils continuent de se tirer la bourre jusqu’à la finale, comme ça vous aurez des belles lignes à écrire jusque-là (il sourit)!
De jeunes Romands se sont illustrés ce week-end sur la Streif, c’est positif pour l’avenir…
On voit qu'on a du monde derrière, oui! Mais sur une piste comme la Streif, il faut un peu apprendre à aller chercher les limites. C'est mieux quand on les trouve sans chuter. Mais il y a du potentiel chez les jeunes Suisses en général. Cette saison et la prochaine, on peut être confiants.