ItalieSilvio Berlusconi ou le rêve de devenir chef d’État
Quelques semaines avant un vote parlementaire, d’aucuns s’interrogent pour savoir si l’ancien chef du gouvernement italien pourrait reprendre les rênes du pays.
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Silvio Berlusconi a été condamné pour fraude fiscale en 2014.
ReutersMagnat des médias, milliardaire, ex-chef du gouvernement italien, crooner de croisière et criminel condamné – après une carrière haute en couleur, Silvio Berlusconi, 85 ans, pourrait-il bientôt ajouter chef d’État à son CV? Quelques semaines seulement avant un vote parlementaire, qui se tiendra en janvier pour choisir le nouveau président de l’Italie, aucun candidat clair n’a émergé pour un rôle crucial en temps de crise.
Les spéculations vont bon train quant à la possibilité que le chef du gouvernement Mario Draghi prenne le poste, mais entre-temps, Silvio Berlusconi – malgré ses récents problèmes de santé dont une infection au coronavirus l’an dernier – est à la manœuvre. «Berlusconi va essayer (de se faire élire), et pourrait réussir», a déclaré à l’AFP, Gianfranco Pasquino, professeur de sciences politiques à l’université Johns Hopkins de Bologne.
Le président Draghi?
Le président italien, théoriquement un poste sans grands pouvoirs, joue en fait, dans les fréquentes situations de crise en Italie, un rôle de pompier.
Le président sortant, Sergio Mattarella, qui part après un mandat de sept ans, a joué un rôle déterminant dans l’arrivée de Mario Draghi, à la tête d’un gouvernement d’unité nationale en février, après l’effondrement de la coalition précédente.
Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne, a refusé de dire publiquement s’il était intéressé par le poste de chef d’État italien. Il a actuellement fort à faire pour gérer un vaste fonds de relance post-pandémie de plus de 190 milliards d’euros provenant de l’Union européenne, et pour mettre en œuvre les réformes que Bruxelles attend en échange.
Jusqu’aux législatives de 2023
Nombreux sont ceux, y compris Silvio Berlusconi, qui estiment que Mario Draghi, 74 ans, devrait rester en poste jusqu’aux législatives prévues en 2023, afin de faire adopter les changements jugés essentiels au redressement économique de l’Italie.
D’autres pensent qu’il pourrait y parvenir même en tant que président, Lorenzo Codogno, ancien économiste en chef du Trésor italien, affirmant qu’il «exercerait une influence considérable… en tant que garant vis-à-vis du reste de l’UE des réformes et des investissements de l’Italie».
Un ministre de premier plan occuperait temporairement le poste de chef du gouvernement, avant l’approbation d’un nouveau Premier ministre par le Parlement. Ce scénario risque cependant de déclencher des querelles entre partis et d’entraîner des élections anticipées, pour lesquelles les partis de droite et d’extrême droite sont donnés gagnants, selon les sondages.
Homme d’État et fêtes du sexe
Silvio Berlusconi, qui a fait irruption sur la scène politique en 1994, séduisant des millions d’Italiens grâce à son vaste empire télévisuel, n’a ni confirmé ni infirmé sa candidature.
Plusieurs autres noms circulent, dont celui de la ministre de la Justice, Marta Cartabia, de l’ancien président de la Chambre basse Pierferdinando Casini, et du commissaire européen à l’économie et ex-chef de gouvernement, Paolo Gentiloni.
«Le centre droit votera probablement de manière unie pour Berlusconi au premier tour. Ce sera une sorte de prix pour l’ensemble de sa carrière», a déclaré Lorenzo Codogno. Toutefois, il estime qu’il n’y a «aucune chance» qu’il puisse réunir suffisamment de voix pour obtenir une majorité.
Lors des trois premiers tours le candidat doit obtenir les deux tiers des voix du collège électoral – sénateurs, députés et représentants des régions - tandis qu’à partir du 4e tour la majorité simple suffit.
Passé judiciaire
Le magnat, qui a effectué un an de travaux d’intérêt général pour fraude fiscale en 2014, a cependant «un passé très compliqué» qui jouerait contre lui, selon Gianfranco Pasquino. Silvio Berlusconi est actuellement impliqué dans deux procès où il est accusé d’avoir payé des témoins pour qu’ils mentent sur ses soirées «Bunga Bunga», décrites par les filles présentes comme des fêtes du sexe.
Pourtant, le leader du parti de centre-droit, Forza Italia, s’efforce de se présenter comme un modéré raisonnable, un homme d’État compétent, capable de contenir les dérives de l’extrême droite indisciplinée et anti-Union européenne. Franco Pavoncello, professeur de sciences politiques à l’Université John Cabot de Rome, a assuré à l’AFP que la probabilité que Berlusconi soit élu était «faible».