Corée du NordPyongyang tire un missile ICBM le jour de la visite de Yoon au Japon
La Corée du Nord a tiré jeudi au moins un missile balistique intercontinental (ICBM) en direction de la mer du Japon, à quelques heures d’une visite à Tokyo du président sud-coréen.
«Notre armée a détecté un missile balistique de longue portée tiré depuis la zone de Sunan à Pyongyang», a indiqué à l’AFP l’état-major interarmées, précisant à l’AFP qu’il s’agissait d’un ICBM.
Lors d’une réunion du Conseil national de sécurité, le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a appelé au renforcement de la coopération trilatérale avec le Japon et les États-Unis, ajoutant que «la Corée du Nord paiera un prix juste pour ces provocations inconsidérées», a rapporté son bureau dans un communiqué.
Tokyo a indiqué que le missile avait atteint une altitude maximale de plus de 6000 km.
Le Premier ministre nippon Fumio Kishida a annoncé à la presse qu’il rencontrerait les ministres du Conseil national de sécurité. «La paix et la stabilité dans la région sont des questions très importantes pour les pays concernés», a-t-il souligné.
Le lancement de jeudi a eu lieu quelques heures avant que les dirigeants de la Corée du Sud et du Japon ne se rencontrent à Tokyo, les programmes nucléaire et balistique de Pyongyang devant être au centre de leurs discussions. Ce sommet est le premier en 12 ans entre les deux puissances voisines, qui cherchent à réparer des liens longtemps mis à mal par les atrocités commises par le Japon au cours de ses 35 années de domination coloniale sur la Corée (1910-1945).
Les deux pays augmentent actuellement leurs dépenses en matière de défense et organisent régulièrement des exercices militaires conjoints, ce qui, selon Yoon Suk Yeol, est essentiel pour la stabilité régionale et mondiale. «La Corée du Sud et le Japon ont de plus en plus besoin de coopérer en cette période de +polycrise+ où les menaces nucléaires et balistiques de la Corée du Nord s’intensifient», a soutenu mercredi le président sud-coréen Yoon Suk Yeol dans un entretien avec plusieurs médias, dont l’AFP.
Il s’agit de la troisième démonstration de force de Pyongyang depuis dimanche, au moment où la Corée du Sud et les États-Unis organisent cette semaine leurs plus grands exercices militaires conjoints en cinq ans.
«Justifier ses activités hostiles»
La Corée du Nord a programmé ce lancement le jour du sommet pour obtenir un «double effet», à savoir un avertissement à ses voisins et une protestation contre les exercices conjoints entre les États-Unis et la Corée du Sud, selon des experts. Début mars, le dirigeant Kim Jong Un a ordonné à son armée d’intensifier ses manœuvres militaires en vue d’une «guerre réelle».
«Pour une Corée du Nord qui cherche constamment des excuses pour justifier ses activités hostiles et le développement de ses armes, c’est le moment idéal pour Kim de déployer ses missiles», a relevé Soo Kim, ancien analyste de la CIA en Corée, qui travaille aujourd’hui au sein de la société de conseil en gestion LMI.
Leif Easley, professeur à l’université Ewha de Séoul, a estimé qu’avec cet essai, Kim Jong Un voulait d’une part «menacer Tokyo», qui souhaite «approfondir la coopération trilatérale avec Washington et Séoul», et d’autre part «dissuader la Corée du Sud de mener d’autres exercices de défense avec les États-Unis».
Washington et Séoul ont renforcé leur coopération en matière de défense face aux menaces militaires et nucléaires croissantes de Pyongyang, qui a multiplié ces derniers mois les essais d’armes.
La Corée du Nord a tiré deux missiles balistiques à courte portée mardi, et deux missiles de croisière stratégiques depuis un sous-marin dimanche, quelques heures avant le début des exercices américano-sud-coréens. Baptisés «Freedom Shield», ces exercices ont débuté lundi et doivent durer 10 jours. Ils se focalisent sur «l’évolution de l’environnement de sécurité» due à l’agressivité redoublée de la Corée du Nord, ont déclaré les alliés. La Corée du Nord considère ces exercices comme des répétitions en vue d’une invasion et promet régulièrement une action «écrasante» en réponse.
Le test de jeudi «peut être une répétition de lancement d’ICBM à angle normal ou une vérification des préparatifs du Nord en vue du lancement d’un satellite de reconnaissance», a déclaré à l’AFP Yang Moo-jin, professeur à l’Université d’études nord-coréennes de Séoul.
La Corée du Nord n’a jamais tiré ses missiles les plus puissants sur une trajectoire normale, et les experts doutent qu’ils disposent de la technologie nécessaire pour survivre à une rentrée dans l’atmosphère. Pyongyang, qui s’est déclaré l’année dernière puissance nucléaire «irréversible», a auparavant annoncé que le lancement d’un satellite de reconnaissance militaire était l’une de ses priorités.